Saint-Léonard-des-Bois (72)
Au cœur des Alpes mancelles, le circuit « Histoires géologiques » à Saint-Léonard-des-Bois (Sarthe)
Au sud du Parc naturel régional Normandie-Maine, Saint-Léonard-des-Bois constitue le centre touristique principal des Alpes mancelles. La Sarthe et ses affluents ont creusé dans le synclinal de Saint-Léonard une vallée sinueuse qui serpente entre de hautes collines rocheuses à la végétation « alpestre », constituées de formations sédimentaires de la base du Paléozoïque (grès armoricain, schistes du Pissot, grès de May/Orne) et même de formations plus anciennes appartenant au Protérozoïque (Briovérien).
Ce circuit est conçu pour vous faire découvrir ces formations et les paysages qu’elles offrent.
L’essentiel des textes correspond à celui qui est présent sur les pupitres et les cartels accessibles à chaque arrêt.
Renseignements utiles
Feuille topographique Ign 1/25 000ème : 1617 Est Saint-Pierre-des-Nids, Alpes mancelles.
Feuilles géologiques BRGM 1/50 000ème : Villaines-la-Juhel (286) et Fresnay-sur-Sarthe (287).
Longueur : 11 km, balisage orange (souvent inexistant et assez difficile à suivre) – Durée : environ 3 heures (attention : pentes souvent vigoureuses !)
Les rochers du Haut-Fourché
La Sarthe
Signalétique : poteaux en métal brun-orangé, correspondant au circuit proposé, gravés « histoires géologiques » avec flèches d’orientation.
Les outils de la signalétique
Description du parcours :
Arrêt n°1 : Eglise de Saint-Léonard
Le circuit débute au niveau de l’église où un stationnement est possible et où un pupitre explicatif vous attend.
Le panneau de départ auprès de l’église
Depuis plus d’un siècle les Alpes mancelles séduisent les amoureux de la nature à la recherche de sites sauvages et pittoresques. Méandres et gorges encaissées de la Sarthe, pierriers imposants et belvédères ouvrant sur de vastes panoramas, tout ici invite à la contemplation. Au-delà d’une pure jouissance esthétique s’insinue une curiosité bien légitime à qui connaît les tranquilles pays de plaine : comment un tel chaos s’est-il formé ici ? Quels événements formidables ont-ils présidé à la création de ces paysages tumultueux ?
Si tout aujourd’hui semble calme et apaisé, ne vous y fiez pas. Apparemment immobile, la surface de la Terre ne cesse de se déplacer. Sous la fine croûte terrestre bouillonne un monde brulant en perpétuel bouleversement. De gigantesques quantités d’énergie provoquent la dérive des continents. La collision des plaques continentales génère la formation de chaînes de montagnes et l’éruption de volcans. Les roches se transforment continuellement, changent d’aspect et de place ; le processus de transformation de la Terre ne s’arrête jamais…
En suivant les cailloux de Saint-Léonard-des-Bois, nous vous proposons de partir à la découverte de quelques épisodes mouvementés d’une histoire géologique de 600 millions d’années.
L’horloge géologique
Les animaux illustrant l’histoire géologique ci-contre vivaient à l’époque à laquelle se sont formées les roches que nous allons rencontrer.
Si on ramène les 4,5 milliards d’années de vie de la Terre à un cadran de 12 heures : l’ère précambrienne dure environ 10 heures, du Cambrien à nos jours s’écoulent 90 minutes, les dinosaures ont disparu il y a 9 minutes, les premiers hommes sont apparus il y a 1 minute, l’homme moderne il y a 1 seconde.
Continuer à l’Ouest par la rue des Alpes mancelles vers Moulins-le-Carbonnel et Sougé-le-Ganelon.
Peu après l’église, prendre sur la droite, face à la crêperie « l’Ardoisière », le Chemin de Compostelle, voie goudronnée qui gravit la forte pente menant au carrefour de la Croix de la Barre.
Arrêt n°2 : Croix de la Barre
La Croix de la Barre
Cette croix, caractéristique de la région, est taillée dans une roche appelée « Roussard » (voir site n°7). Il s’agit d’un grès mésozoïque (Crétacé Supérieur – Cénomanien) dont les grains sont unis par un ciment ferrugineux et dont nous verrons de très beaux exemples dans les constructions du village de Saint-Léonard-des-Bois à l’arrêt n°8.
Continuer tout droit par le chemin empierré taillé dans le Grès armoricain que l’on atteint peu après un virage.
Le grès armoricain au long du chemin
A droite du chemin on trouve un site d’escalade situé au-dessus du Gué Plard que nous observerons à l’arrêt n°12.
Le grès armoricain
Le site est dangereux mais permet de voir le Grès armoricain et le paysage vers le nord.
Le paysage vers le nord
Continuer pour atteindre le niveau de la ferme du Champ-des-Pas. Là, s’ouvre une large vue vers le nord avec, au loin, la carrière en exploitation des Grès armoricains de Saint-Léonard.
Arrêt n°3 : Ferme du Champ-des-Pas
L’Engouloir. Le Grès armoricain
Chaque site est équipé d’un pupitre explicatif, d’un porte-échantillon(s) de petite taille portant un ou plusieurs échantillons, d’un cartel donnant le nom et l’histoire de celui-ci, parfois de viseurs.
Le site de la ferme du Champ-des-Pas
En quelques rares lieux des Alpes mancelles, il a jadis fourni des fossiles qui le datent du Primaire ou Paléozoïque (Paléozoïque = « vie ancienne » du grec paleos « ancien » et zoe « vie »).
Eboulis quaternaires : un gel à pierre fendre !
En regardant dans le viseur de gauche, vous pouvez voir un pierrier de plaine, une des plus rares et originales formations « géomorphologiques » (géomorphologie = étude des formes du relief) de la région. Pendant le Quaternaire, depuis – 1,8 Ma, des phases climatiques froides alternent avec des phases tempérées. Pendant les phases froides la région ressemble à la Laponie actuelle.
Un grès qui fait carrière
En regardant dans le viseur de droite vous pouvez voir la carrière de Saint-Léonard-des-Bois dans laquelle est exploité le Grès armoricain. Cette roche, très dure, transformée en granulats a notamment été utilisée pour la construction de l’autoroute A28.
Le Grès armoricain. Carrière de Saint-Léonard
Roche sédimentaire riche en quartz, - 470 Ma
Le Grès armoricain est constitué presque exclusivement de grains de quartz. Ils correspond à d’anciens sables déposés au fond de la mer qui recouvrait la région il y a 470 millions d’années.
Au cours de l’enfouissement des sables sous de nouvelles couches de sédiments, l’eau a progressivement été éliminée et les cristaux de quartz ont partiellement fondu et se sont soudés les uns aux autres. C’est ce qui explique l’aspect très lisse du grès armoricain.
Une couche de sol, issue de l’altération de la croûte terrestre sous l’action des organismes vivants et des agents climatiques, recouvre la plus grande partie des terres émergées.
Dépasser un réservoir circulaire pour pénétrer dans la zone boisée et rejoindre un carrefour.
Prendre le premier chemin sur la droite pour accéder à d’anciennes ardoisières, mais au paravent le chemin descend et nous amène dans les Grès armoricains puis remonte, montrant sur sa droite d’anciennes cavités puis des déblais de schistes.
Ancienne ardoisière
Finalement le chemin atteint le haut de la pente qui offre une large zone sans végétation correspondant à une zone d’épandage des plaquettes schisteuses.
Déblais de schiste
Arrêt n°4 : Les ardoisières
Les schistes ordoviciens
Pupitres explicatifs de la Formation du Pissot
Toutes les roches sont sujettes à transformation sous l’effet de la chaleur et de la pression. C’est le métamorphisme. Les transformations les plus importantes ont lieu dans les profondeurs terrestres où pressions et températures sont très élevées. On trouve parmi les schistes les roches métamorphiques les plus communes.
La caractéristique fondamentale du schiste métamorphisé est sa « foliation » ou « schistosité ».
Les mouvements tectoniques compressent la roche sédimentaire, du schiste, créant des « clivages en feuillets ».
L’ardoise appartient à la famille des schistes. Elle est caractérisée par la finesse de son grain et de ses feuilles. Elle s’est formée sous de faibles pressions et températures. Facile à exploiter et à découper elle constitue un matériau de choix pour les toitures.
En raison de leur « schistosité », les schistes ordoviciens de Saint-Léonard, qui affleurent tout autour de nous, ont été exploités pour faire des ardoises.
Deux carrières, doublement éphémères !
Deux carrières ont été exploitées au milieu du 19ème siècle. Ces ardoisières ont fermé vers 1860. A cause de la présence de fer sous forme de pyrite, les ardoises de Saint-Léonard n’étaient pas très réputées, car sujettes à la rouille.
Les Trilobites : une faune caractéristique de l’Ordovicien.
Empreintes d’animaux ou végétaux conservé (e) s dans la roche, les fossiles nous révèlent l’histoire de la vie sur terre. Lorsque l’ardoise s’est formée sous une faible force de compression, les fossiles ont été préservés, bien que souvent considérablement déformés.
Les schistes ordoviciens des Alpes mancelles contiennent des gisements de Mollusques et de Trilobites qui ont permis de dater la roche.
Ces derniers sont des restes d’animaux à carapace articulée disparus il y a plus de 200 Ma, proches des crustacés actuels.
Le « corbeau » est une espèce de crevette cafteuse !
Une « crevette » venue du fond des âges a permis de dater les gisements d’ardoises de Saint-Léonard.
Schiste ordovicien. Saint-Léonard-des-Bois
Roche sédimentaire métamorphisée issue de la transformation des argiles, contenant du quartz et du mica. - 465 Ma
Il y a 465 millions d’années, à l’Ordovicien, des argiles déposées en lits fins sur des fonds marins, puis compactées, se sont peu à peu transformées en schiste. Le plissement de la chaîne de montagnes hercynienne vers -320 Ma a redressé les schistes et les a en même temps écrasés – « métamorphisés », si bien qu’ils se débitent en feuillets.
Le sentier part ensuite vers le Sud-Est, rencontrant d’abord à nouveau des bancs de Grès armoricain et continuant en bord de crête, progresse, avec à droite la fameuse et profonde vallée de Misère, et, à gauche, les enclos du parc animalier de la Butte de Narbonne (nom d’origine gauloise) qui n’est pas loin d’atteindre les 200 mètres d’altitude.
Arrêt n°5 : Vallée de Misère
Belvédère d’observation
Pupitres explicatifs
Grès armoricain à skolithes . Vallée de Misère Saint-Léonard-des-Bois
Empreintes fossiles dans une roche sédimentaire - 490 Ma
Des « vers arénicoles » qui vivaient dans le sable des mers peu profondes où s’est formé le grès ont laissé des traces sous forme de terriers appelés skolithos : sur certains blocs du pierrier, ces empreintes fossiles forment des bourrelets verticaux qui strient la surface de la roche.
La vallée de Misère. Le sol ingrat de la vallée de Misère
La Vallée de Misère
Dans les Alpes mancelles alternent grès et schistes. Longtemps, sur le sol à nu des pentes recouvertes de grandes coulées de pierraille, la végétation peine à s’accrocher.
Les pierriers de la vallée de Misère
En se décomposant, les grès donnent des sols très acides, les schistes des sols acides plus profonds et caillouteux. Sous l’Ancien Régime, les crêtes gréseuses, sous vouées au bois. Progressivement dégradés par la surexploitation, les bois sont peu à peu remplacés par des landes à bruyère. Les paysans les plus modestes y élèvent des moutons seuls capables de se contenter de cette maigre végétation. Le milieu s’améliore vers le bas sur les pentes adoucies ; quand elles ne sont pas trop pierreuses et trop maigres pour être mises en valeur, elles donnent du seigle ou du sarrasin. Mais les fonds de vallée, gorgés d’eau, restent impropres à la culture : la vallée de Misère porte bien son nom.
Aujourd’hui cette « Misère » est devenue source de richesse.
Intégrées depuis les années 2000 au réseau des sites remarquables européens appelé Natura 2000, les Alpes mancelles, en raison de leur diversité géologique et topographique, présentent une gamme exceptionnelle de milieux : pierriers, forêts de ravin, prairies humides, landes sèches, cours d’eau, surplombs rocheux…
Espace Naturel Sensible (ENS)
Grâce à leur position géographique, au point de contact entre le Bassin parisien et le Massif armoricain, leurs terrains escarpés occupés par l’élevage extensif abritent de remarquables pelouses à orchidées (Orchis bouffon, Orchis brûlé). Les pierriers sont colonisés par des mousses et lichens, seuls capables de supporter ces conditions de vie extrêmes.
Les grès à Skolithes
De nombreux cailloux des éboulis portent de longs bourrelets verticaux : l’empreinte fossile des terriers de vers arénicoles qui vivaient dans le sable de mers peu profondes proches du rivage.
Une invasion de vers migrateurs ?
Comment des vers qui vivaient il y a 470 millions d’années dans l’hémisphère sud ont-ils creusé des galeries dans les roches des pierriers de Saint-Léonard-des-Bois ?
Notre région était, à l’époque de la formation des arénicoles, située dans l’hémisphère sud, à la limite nord du Gondwana. Ce ne sont pas les vers qui ont migré, mais le continent qui s’est déplacé.
Poursuivre le sentier jusqu’à une sorte de petit promontoire sur la gauche agrémenté de pupitres ornés ou non de roches et de lentilles de visée qui proposent l’approche de sites volcaniques relativement proches et qui sont un élément essentiel à la compréhension de l’histoire géologique de cette région (cf. compte-rendu excursions Sgmb - Maine (61 et 72)).
Arrêt n°6 : La butte de Narbonne sud - La vallée des volcans
Equipements de l’arrêt n°6
Le volcanisme est le processus par lequel le magma, roche en fusion à l’intérieur de la Terre, traverse l’écorce terrestre pour arriver en surface. Les matériaux volcaniques varient en fonction des propriétés du magma dont ils sont issus. Des différences de composition chimiques, de teneur en gaz, de température affectent la façon dont le magma arrive en surface, donc le type de volcan et de roches volcaniques qu’il produit.
Panneau explicatif de la Vallée des volcans
Le magma quitte les chambres magmatiques, soit par des fractures de la croûte, soit en faisant fondre les roches environnantes. Lorsque la chambre magmatique se vide, la roche n’étant plus soutenue, le sommet du volcan s’effondre formant une dépression circulaire appelée caldeira (chaudron).
Les ignimbrites (de ignis feu et imber, pluie) se forment lors d’éruptions de volcans à base très large, du même type que le Kilimandjaro, appelés stratovolcans. La destruction de la ville romaine de type Pompéi est due à une éruption de type ignimbritique. Extrêmement violentes, ces éruptions se traduisent par l’émission de nuées ardentes ou coulées pyroclastiques (de puros, feu et klastos, éclats) accompagnées de l’expulsion d’un volume considérable de cendres sous forme de colonnes hautes de plusieurs km, et de la formation de laves - rhyolites, andésites - qui leur sont toujours étroitement associées.
Les chaudrons du Maine
Il y a 520 millions d’années l’extrémité orientale du Massif armoricain connaît une intense activité volcanique localisée dans un vaste fossé long de 75 et large de 50 km, appelé graben Normandie-Maine. Nous sommes à la lisière de la caldeira Assé-le-Boisne dont le diamètre avoisine 20 kilomètres. A l’intérieur de cette cuvette s’accumulent d’épaisses nappes d’ignimbrites tandis qu’à l’extérieur s’échappent des nuées ardentes (coulées pyroclastiques) accompagnées de laves pâteuses et d’énormes coulées de boue.
Viseur de gauche : au bois des Guerches affleure un dépôt d’ignimbrites formé d’une première éruption très violente par l’émission de nuées ardentes. Au sommet, les restes d’anciens sables marins qui se sont déposés pendant une période de sommeil du volcan et se sont transformés en grès, et des andésites formées lors du dernier sursaut du volcan.
Viseur de droite : au Pont de la Folie on aperçoit la silhouette d’un dôme rhyolitique.
La variété des échantillons de la Vallée des volcans
Rhyolithe / Pont de la Folie
Roche volcanique riche en quartz (minéraux translucides aux contours plus ou moins nets), contenant également des feldspaths (rosés) et des paillettes brillantes de micas, vers -520 Ma.
Cette roche résulte du refroidissement de laves visqueuses, éjectées lors d’éruptions violentes ou formant un dôme sous la surface comme au Pont de la Folie.
Ignimbrite / Bois des Guerches
Roche volcanique constituée de grains de quartz (translucides), de feldspaths (blanc rosés) et d‘une « pâte » qui au microscope révèle des fragments de lave bulleuse et des échardes de bulles de verre, -520 Ma.
Ejectée lors d’éruptions violentes, cette roche s’est formée depuis un nuage de gaz turbulent chargé de particules chaudes et progressant à vive allure. La pression des gaz diminuant, les chauds débris sont retombés en masse et se sont soudés pour former des ignimbrites.
Andésite / Bois des Guerches
Roche volcanique pauvre en quartz possédant des cristaux blancs de feldspath et d’autres, plus sombres, de pyroxène, -520 Ma.
L’andésite s’est formée à partir des laves fluides émises lors d’une des dernières éruptions des volcans de la caldeira d’Assé-le-Boisne.
Poursuivre le sentier sur quelques centaines de mètres jusqu’à un grand pupitre.
Arrêt n°7 : Butte de Narbonne nord - Grès armoricains contre Schistes briovériens
Pupitre explicatif du paysage vers le Haut-Fourché
La végétation révèle la nature des roches.
L’observation attentive d’un paysage permet de découvrir des indices sur la nature du sous-sol : la structure du paysage, les sols et la végétation sont autant de signes de la présence de telle ou telle roche.
Vue vers le Haut-Fourché
Face à nous sur les pentes du Haut-Fourché, une alternance de végétation révèle la composition des affleurements rocheux : sur le grès, milieu acide et pauvre dominent les résineux ; sur les schistes, plus fertiles, s’installent les feuillus.
Au pied de l’à-pic que nous dominons, la « discordance » Giordano (du nom de son découvreur) que l’on apercevra en gravissant les pentes du Haut-Fourché.
Manoir de Linthe
Poursuivre le sentier avec sur notre gauche le parc animalier de Narbonne pour atteindre la Croix de la Barre puis descendre vers le bourg
Sables du Maine et grès roussards
Localement sur les plateaux des Alpes mancelles subsistent de petits placages de sables du Maine datant du Cénomanien (Crétacé Supérieur - environ -90 Ma)
Ils se présentent sous la forme de sables grossiers rouges et de grès roussard. Présent en abondance dans les placages de sable cénomanien, le minerai de fer a alimenté aux 16e et 17e siècles un grand nombre d’établissements sidérurgiques à Saint-Léonard.
Le manoir de Linthe - à nos pieds - dépendait de la Forge de la Gaudinière à Sougé-le-Ganelon : chaque semaine, des ouvriers en ramenaient des baguettes de fer destinées à être transformées en clous.
Dédiée au patron des forgerons, la Chapelle Saint-Laurent, au nord du village fait partie d’un hameau qui était réputé pour la fabrication de clous.
Les grosses forges consommaient d’énormes quantités de charbon de bois ; liée à la surexploitation, la pénurie de bois fut une des raisons de la disparition de la métallurgie.
Le grès roussard, facile à extraire, a été utilisé dans la construction des maisons anciennes ; il est fréquemment utilisé pour les encadrements de portes et de fenêtres donnant un caractère original à l’architecture locale.
De nombreuses croix archaïques qui jalonnaient les routes des pèlerins se rendant au Mont Saint-Michel ont également été sculptées dans du grès roussard.
Une fois descendue la rue de Compostelle, prendre à gauche la rue des Alpes mancelles menant à l’église.
Arrêt n°8 : Le Grès roussard - Saint-Léonard-des-Bois
Maison datée de 1706
Le portail d’accès à l’église
Linteau ouvragé des Grandes Maisons
C’est l’occasion d’admirer le grès roussard dans les diverses constructions dont l’une porte la date de 1706, dans le beau portail de l’église et derrière celle-ci le superbe linteau des Grandes Maisons daté du 16e siècle.
Continuer la rue, passer au-dessus de la Sarthe et au niveau du parking de Bel Air partir à droite en direction du belvédère du Haut Fourché par la rue du Sphinx.
Après une centaine de mètres est indiqué un site mentionné « le Rocher du Sphinx (ou Sphynx) » qui intrigue.
Arrêt n°9 : Le Rocher du Sphinx - Les Grès de May
Grès armoricains contre schistes briovériens
Entre -100 et -90 Ma la mer qui a envahi la région borde les Alpes mancelles. En bordure du rivage, dans un golfe, des sables se sont accumulés. Plus tard, sous un climat chaud, un ciment riche en fer a lié progressivement les grains de sable, formant des dalles de grès roussard ; ces dalles portent, sous forme de rides, la trace d’anciens courants marins.
Le rocher du Sphinx
Les montagnes se forment suite à la collision de deux plaques tectoniques : une partie de la croûte terrestre est poussée vers le haut sous l’effet de la compression. Les roches profondément enfouies (3000 à 6000 m), chauffées à une température relativement élevée (200 à 300°C) sont relativement « ductiles » (malléables) : elles peuvent alors se déformer sans trop se casser : c’est le plissement. Il engendre une succession de plis surmontés par la couche géologique la plus récente : les anticlinaux formant une voûte vers le haut, les synclinaux formant un fond de bateau vers le bas, comme celui de Saint-Léonard-des-Bois.
Le synclinal de Saint-Léonard-des-Bois est dit Ordovicien parce que les grès de May, la couche de roche la plus récente du pli datent de l’Ordovicien (env. -460 Ma). Les roches se sont plissées lors de la formation de la chaîne hercynienne, vers -320 Ma.
Les rochers du Sphinx
Les grès sont très durs, ils résistent mieux à l’érosion que les schistes ; dans les Alpes mancelles, ils constituent les crêtes et les reliefs. Les rochers du sphinx – leur silhouette évoque le sphinx de Gizeh en Egypte - qui se dressent devant nous sont constitués de grès de May dégagé par l’érosion. Leur forme en « coque de bateau » est caractéristique d’un pli synclinal. A leur pied affleurent les schistes du Pissot qui ont été plus érodés que les grès.
Grès de May - Rochers du Sphinx
Roche sédimentaire riche en quartz, -460 Ma
A l’Ordovicien supérieur, un épisode de dépôt de sables est à l’origine de la formation de puissants ensembles de grès de May. Les grains de sable ont été consolidés par un ciment qui s’est développé au cours de l’enfouissement des sédiments comme pour les grès armoricains. La cimentation un peu moins importante laisse reconnaître les anciens grains de sable.
Revenir sur le chemin principal et continuer votre progression en montée vers le point de vue du Haut-Fourché qui fait face à la butte de Narbonne avec à son pied Saint-Léonard.
Les Alpes mancelles sont elles des montagnes ?
La légende veut que ce nom leur ait été donné par l’ermite Saint Céneri. Arrivant d’Italie celui-ci se serait promis de s’arrêter lorsqu’il rencontrerait des montagnes ressemblant aux Alpes. Mais à propos peut-on qualifier Les Alpes mancelles de montagnes ?
Arrêt n°10 : Le Haut-Fourché - Un site sculpté par la rivière
Le paysage que nous avons face à nous est constitué de deux ensembles aujourd’hui masqués
par la végétation : grès armoricain et schistes briovériens comme ceux que nous avons sous les pieds. Les schistes, plus âgés, ont été plissés puis érodés avant le dépôt des sables qui ont donné les grès.
Equipements de l’arrêt n°10
La butte de Narbonne vue depuis le Haut-Fourché
Orogenèse …
Des vases accumulées sur les fonds marins puis transformées en roches ont été plissées lors de la formation de la chaine cadomienne il y a près de 540 Ma. Le plissement a provoqué une inclinaison des strates. La mer s’est retirée, les reliefs ont été progressivement érodés. Cette suite d’événements - dépôt des sédiments, plissement, érosion - constitue un cycle orogénique.
Discordance
Plus tard, la mer est revenue, des sables se sont déposés sur la formation érodée puis ont donné des grès. Les géologues nomment « discordance » cette superposition de deux couches de roches ayant une orientation différente.
Et renversement de situation
Enfin, il y a 320 millions d’années, la formation d’une chaine de montagnes, la chaîne hercynienne, a replissé les roches. Face à nous, sous Narbonne, les grès armoricains reposent sur les schistes. On donne à cet ensemble - la discordance Giordano - le nom du géologue qui l’a découverte.
L’à-pic du Haut-Fourché sur lequel nous nous trouvons surplombe un méandre encaissé de la Sarthe.
Prisonnière dans son lit
Au Tertiaire ou Cénozoïque (nouvelle vie du grec kainos, nouveau et zoe, vie, la Sarthe cheminait sur un plateau recouvert de sables du Maine qu’elle a progressivement creusé. La région a commencé à se soulever vers 1,8 Ma. La tracé de la rivière étant fait, elle a continué son creusement dans les couches sous-jacentes : c’est la surimposition. Au fur et à mesure du soulèvement de la région elle s’est enfoncée profondément -100m environ.
On explique ainsi qu’elle ait pu entailler les barres très dures de grès armoricain.
Le relief qui en résulte est un relief en creux, des gorges : les Alpes mancelles doivent leur nom à ces escarpements rocheux dus à l’érosion fluviatile
Le site tel qu’il se présente aujourd’hui a «été façonné par l’érosion due au vent, à la pluie et au gel autant qu’à l’action de la rivière après la formation des gorges.
Le Haut-Fourché un site remarquable
La raideur des pentes, l’ampleur des dénivellations, les nombreux affleurements rocheux surplombant la Sarthe évoquent des paysages de montagne.
Les sols acides sont favorables au développement de la lande, milieu remarquable d’intérêt européen caractérisé par une végétation dominée par les bruyères, les ajoncs et les genets. En déclin en Europe, elle abrite des espèces rares – busard Saint-Martin, fauvette pitchou…
Poursuivre le chemin qui est en descente en bordure du bois vers la Joussière pour atteindre la route principale, peu avant la Sarthe.
Arrêt n°11 : Le Bois du Haut-Fourché - Un banc de schiste briovérien
La dérive des continents une histoire mouvementée
Le méga-continent nommé Rodinia se fragmente il y a 700 millions d’années, des morceaux de croute continentale dérivent les uns par rapport aux autres. Il y a 560 millions d’années deux continents - Laurentia et Sibéria - se détachent. Il y a 300 Ma à la fin du Carbonifère, tous les continents sont de nouveau réunis et forment la Pangée. La Pangée commence à se disloquer il y a environ 200 Ma, d’abord en deux supercontinents : le Gondwana correspondant aux continents de l’hémisphère sud et à l’Inde ; la Laurasie, à ceux de l’hémisphère nord. La dislocation de ces deux supercontinents donne naissance aux continents que nous connaissons aujourd’hui.
L’équipement de l’arrêt n°11
Les roches les plus anciennes…
Les roches les plus anciennes de notre territoire datent du Briovérien, il y a près de 600 Ma. A cette époque, celle de Rodinia, la région se situe dans l’hémisphère sud, dans des eaux froides. De fines particules arrachées aux reliefs s’accumulent au fond de la mer. Lors de séismes, elles dévalent les pentes sous-marines et s’étalent dans une plaine abyssale. En suspension dans l’eau, les débris les plus lourds se déposent en premier, les particules les plus fies en dernier ; ainsi se constituent des strates à la granulométrie variable, phénomène que les géologues nomment granuloclassement.
Ces sédiments vont subir des pressions dues à la formation successive de deux chaînes de montagnes – la chaîne cadomienne, il y a 550 Ma puis la chaîne hercynienne , il y a 320 Ma qui les métamorphiseront en schiste.
Les bancs de schiste qui traversent le chemin présentent des strates dont l’épaisseur va de quelques millimètres au décimètre.
…venues du fond des mers profondes
La série schisteuse constituée d’une alternance de couches de sédiments extrêmement fins -argilites/siltites et parfois quelques sables formant des grauwacques - est typique des grandes profondeurs comme celles des pentes allant du continent aux grands fonds marins (3000m et +) ; ainsi, le dépôt de sédiments qui a donné les schistes briovériens s’est fait dans une mer profonde, le Bassin mancellien (bassin du Maine).
Les yeux du ciel
La preuve la plus éclatante de la justesse de la théorie de la tectonique des plaques a été récemment apportée par une invention qui permet de suivre au jour le jour la position de tous les continents.
Schiste briovérien - Bois du Haut-Fourché
Roche sédimentaire métamorphisée, -560 Ma
De fines particules arrachées aux reliefs se sont accumulées sur les grands fonds marins ; les débris les plus lourds se sont déposés en premier, les particules les plus fines en dernier, constituant les strates. La formation successive de deux chaînes de montagnes – la chaine cadomienne, il y a 550 Ma, puis la chaine hercynienne, il y a 320 Ma, qui les métamorphiseront en schiste.
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Complément
Prendre la voiture pour gagner le site du Gué Plard situé en bordure de la Sarthe sur la D 112 en direction de Gesvres.
Arrêt n°12 – Le Gué Plard – Falaise de grès armoricain
L’imposante falaise en bordure de la Sarthe a été creusée par celle-ci dans la formation du grès armoricain. Elle témoigne du « travail » de la Sarthe au cours des temps géologiques qui a atteint des roches très dures mettant en valeur la stratification au long d’un plan de faille.
Les grès armoricains du Gué Plard
Jean Plaine
Sentier parcouru le 03 Mai 2019
Texte et photographies – Jean Plaine
Sources bibliographiques
Doré F., Le Gall J., Dupret L., Giordano R., Lebert A. BRGM Carte géol. France (1/50 000),
feuille Villaines-la-Juhel (286). Orléans : BRGM.
Notice explicative par Doré F., Dupret L., Le Gall J., Lebert A. (1987), 54 p.
Doré F., Dupret L., Le Gall J., Lebert A. BRGM Notice explicative, Carte géol. France (1/50 000), feuille Villaines-la-Juhel (286). Orléans : BRGM, 54 p. Carte géol. par Doré F., Le Gall J., Dupret L., Giordano R., Lebert A.
Inventaire du Patrimoine Géologique Fiche BNO0020 : Méandres encaissés de la Sarthe à Saint-Cénéri-le-Gérei APGN - Caen DREAL (2011-2013)
Guide Géologique Normandie-Maine Dunod Paris 2ème édition 2006
Extrait de la carte géologique – La Ferté-Macé 1/50 000