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Vallée de la Rance (22 & 35)

 

La sortie du 05.11.2005 dans la Vallée de la Rance
(Ille-et-Vilaine & Côtes-d'Armor)                                    

Les roches métamorphiques de la Vallée de la Rance

Sortie animée par Pierre Jégouzo et Jean Plaine, Université de Rennes 1
      

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Dans la quiétude d’un petit matin ensoleillé, une quinzaine de personnes étaient présentes au rendez-vous de la Sgmb sur le port de Saint-Suliac pour aborder l’observation des roches métamorphiques de la vallée de la Rance.
L’objectif de cette journée, en dehors d’une découverte classique, était d’évaluer l’intérêt patrimonial des affleurements, leur intérêt pédagogique ainsi que leur cohérence dans la perspective d’une mise en valeur scientifique des sites naturels de cette belle ria bretonne.

Des problèmes de marée, doublés d’un aléa automobile, nous ont conduit à quelque peu modifier l’ordonnancement de cette journée.
Il était en effet logiquement prévu de visiter les sites en partant des termes les moins métamorphiques pour aller dans le sens croissant du métamorphisme et finir par les roches au métamorphisme le plus intense.

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Soit ! quitte à passer pour des “ rétrogrades ” nous avons fait les choses dans l’autre sens.
Ce compte-rendu en est le reflet, charge à chacun de faire, au prix d’une certaine gymnastique intellectuelle, le circuit dans le sens inverse pour avoir une approche plus pédagogique de la notion de métamorphisme prograde.

Présentation

Entre Côtes-d’Armor et Ille-et-Vilaine, la vallée de la Rance offre une coupe géologique naturelle dans des roches métamorphiques classiquement désignées sous le nom de Domaine cristallophyllien de Saint-Malo-Dinan ou encore plus simplement Massif de Saint-Malo.
Depuis l’écluse du Châtellier un peu au nord de Dinan jusqu’à Dinard et Saint-Malo se succèdent 3 ensembles métamorphiques (Fig.1): un ensemble à dominante micaschisteuse connu sous le nom de micaschistes de Langrolay-Saint-Suliac, un ensemble à dominante gneissique connu sous le nom de gneiss de la vallée de la Rance, un ensemble à dominante migmatitique connu sous le nom de migmatites de Saint-Malo.
Ces ensembles sont cartographiquement organisés en bandes orientées Sud-Ouest – Nord-Est.

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Fig.1- Carte géologique simplifiée du Massif de Saint-Malo montrant les trois grandes unités lithologiques et les isogrades du métamorphisme (d’après Martin, 1977)

Ainsi le Massif de Saint-Malo présente une “ série métamorphique continue ” allant des micaschistes et gneiss du faciès schistes verts au sud aux granites d’anatexie au nord en passant par des roches du faciès amphibolite, ce qui en fait, entre autres, un objet géologique d’intérêt pédagogique majeur.
A l’origine il s’agissait d’un ensemble silteux, greywackeux ou plus gréseux, riche en alumine, parfois plus calcique, la base de la pile sédimentaire se situant au nord, dans l’actuelle partie migmatitique.
Tous ces sédiments d’âge briovérien inférieur (590-600 millions d’années ?) ont été affectés par un métamorphisme Basse Pression-Haute Température au sein de la chaîne cadomienne, ceci autour de 540 millions d’années.
Ils ont en outre enregistré plusieurs épisodes de déformation, que l’on place au nombre de trois, plus ou moins facilement identifiables sur l’affleurement ou bien qui sont déductibles à partir des mesures régionales de la schistosité ou de la foliation.

La notion de métamorphisme

Lorsque des roches, qu’elles soient sédimentaires, magmatiques, ou même déjà métamorphiques, sont portées dans des conditions de pression (P) et de température (T) différentes de celles qui existaient lors de leur formation, elles subissent des réarrangements de texture, surtout par apparition d’une schistosité ou d’une foliation, et des recristallisations minérales, ces réorganisations se produisant à l’état solide. Elles se trouvent ainsi transformées en roches métamorphiques.
Ces conditions se trouvent principalement réalisées dans les chaînes de montagnes, les deux paramètres P et T agissant de façon significative dans les zones profondes de l’écorce terrestre.
L’enfouissement des roches entraîne une augmentation de la pression et de la température, mais leur présence actuelle à la surface implique une érosion très importante après leur formation diminuant la charge et une remontée de la croûte enfouie avec corrélativement une diminution de P et T.

Au cours du temps la roche suit donc un trajet qui dessine une courbe fermée que l’on appelle chemin Pression-Température-temps (chemin P-T-t) surtout bien identifiable dans les chaînes de collision.
Elle atteint un stade de pression maximale puis un stade de température maximale (pic du métamorphisme), c’est le métamorphisme prograde, avant de revenir vers son état originel au cours du métamorphisme rétrograde.
Les isogrades (apparition/disparition de minéraux ou d’associations minérales) ne représentent que la manifestation spatiale à un instant donné de l’évolution du métamorphisme dans le temps. Cet instant est toujours celui où la température est maximale.

Schiste, micaschiste, gneiss : nomenclature des roches métamorphiques

Les roches métamorphiques ne font pas encore l’objet d’une nomenclature claire, universellement acceptée.
Celle-ci fait appel à de critères structuraux ou texturaux, à la nature de la roche initiale dont elles dérivent ou à l’assemblage minéralogique actuellement observable.
Le terme schiste correspond à une roche qui se débite en feuillets plus ou moins serrés. Ce débit appelé schistosité est d’origine tectonique.
La roche originelle est le plus souvent une siltite (vase ou argile consolidée).
Le terme micaschiste désigne un schiste à biotite et (ou) muscovite, ces micas conférant à la roche un aspect un peu plus “ cristallin ”. Dans ce cas, on donne le nom de foliation au débit en feuillets pour souligner que l’on est dans des domaines de métamorphisme relativement intense. La roche originelle est là encore généralement une siltite (vase ou argile consolidée).
Le terme gneiss désigne une roche métamorphique au grain plus grossier que celui d’un micaschiste, la roche d’origine étant un grès à grain fin ou une greywacke.

Contrairement à un usage abusif, il n’y a aucune raison d’admettre, à priori, qu’un gneiss corresponde à un degré de métamorphisme plus élevé que celui qui caractérise un micaschiste. Il convient donc de conserver un caractère purement descriptif à ces termes.

Micaschiste et gneiss peuvent être caractérisés par la présence d’un minéral spécifique, exemple : micaschiste ou gneiss à biotite, à sillimanite,...

Les migmatites, des roches métamorphiques ?

Processus de recristallisation à l’état solide, le métamorphisme est en principe clairement distinct des phénomènes magmatiques qui impliquent la participation d’un liquide silicaté.
Cependant, dans certains domaines du métamorphisme de haut grade, la température est suffisamment élevée pour permettre la fusion partielle des matériaux. Ce processus est appelé anatexie et la production de liquides est généralement de composition granitique.
Si ces liquides quartzo-feldspathiques restent enfermés et cristallisent au sein même des roches qui leur ont donné naissance, il en résulte des formations mixtes, les migmatites qui appartiennent bien au domaine du métamorphisme.

Le circuit et les différents arrêts

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Fig.2- Carte du circuit avec emplacement des différents arrêts

Depuis Saint-Suliac rejoindre la N 137 via Saint-Jouan-des-Guérets.
Prendre la direction de Saint-Malo puis celle du barrage de la Rance.
Franchir le barrage (usine marémotrice) et au carrefour suivant obliquer à droite (D 114) vers Dinard.
Après la baie du Prieuré, aller à droite vers le centre de Dinard par l’avenue principale de la ville (Boulevard Féart).
Poursuivre jusqu’à la côte aller à droite (Boulevard du Président Wilson) et poursuivre par la rue Coppinger vers la pointe du Moulinet.

Arrêt n°1- Pointe du Moulinet (Dinard)

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Cette pointe offre un superbe point de vue sur l’estuaire de la Rance et sur la cité de Saint-Malo.
A proximité de la table d’orientation, le sentier littoral en béton descend sur la célèbre Promenade du Clair de Lune qui part à l’ouest vers la plage de l’Ecluse puis la pointe de la Malouine et va jusqu’à Saint-Enogat.

Tout au long de cette promenade, la côte expose de façon remarquable des roches très hétérogènes plus ou moins fortement altérées et qui sont globalement d’aspect granitique. Les minéraux principaux, aisément identifiables, y sont le quartz, les feldspaths et la biotite. A l’échelle de l’affleurement, certaines parties de la roche montrent un rubanement caractéristique des gneiss, d’autres correspondent toujours à des gneiss mais l’organisation interne y est moins régulière et enfin d’autres sont nettement du granite. On note également la présence sous forme d’enclaves de grands paquets d’une roche sombre assez homogène qui est un gneiss à grain fin ainsi que des amas de quartz sous forme d’“ yeux ”.
Les plis et les cisaillements sont fréquents témoignant de déformations plastiques.
La coexistence sur un même affleurement de roches oscillant entre gneiss et granite est caractéristique des migmatites (mot dérivé du grec migma qui signifie mélange).

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La notion de migmatites

Les migmatites sont des roches métamorphiques qui résultent de la fusion partielle (anatexie) de gneiss silico-alumineux dans le cadre d’un métamorphisme prograde.

Elles sont constituées, à l’échelle de l’affleurement, d’un mélange de roches au taux de fusion très variable, depuis le matériau gneissique originel jusqu’à du granite appelé granite d’anatexie.
Les migmatites se rencontrent essentiellement dans les zones profondes des chaînes de montagnes, là où pression et température sont suffisantes pour entraîner la fusion.

Il s’agit d’une fusion crustale qui est facilitée par diverses circonstances :

    a/ enfouissement tectonique à la base d’une pile de nappes sédimentaires, suivi d’une remontée des isothermes.

    b/ remontée des unités profondes chaudes vers des basses pressions = dômes thermiques (diapirs) tarditectoniques.

    c/ échauffement par apport de magmas d’origine mantellique.

    d/ présence de fluides (H2O surtout) qui abaissent la température du solidus et donc permettent la production plus rapide de liquides anatectiques.

Les différentes parties d’une migmatite

Au début du phénomène d’anatexie, la fusion va se développer uniquement dans les niveaux favorables qui ont une composition proche de 33% de quartz, 33% de feldspath alcalin, 33% de plagioclase.
Sur un même affleurement, il y aura deux parties dans la roche :
- une partie ancienne non affectée par l’anatexie, le paléosome qui correspond au matériel originel, en général gneissique.
- Une partie nouvelle partiellement ou totalement fondue, le néosome.

Le néosome est lui-même divisé en deux parties :
- le leucosome, partie claire, à gros grain, constituée d’un assemblage de quartz + feldspath qui correspond au liquide recristallisé.
- le mélanosome, partie sombre qui borde le leucosome, formé de minéraux colorés (biotite, sillimanite, cordiérite). Il correspond à un résidu réfractaire à la fusion.

• Donc, Leucosome + Mélanosome = Néosome

Les différentes variétés de migmatites

Les Métatexites

C’est le stade initial de l’anatexie. Le taux de fusion étant faible, seules quelques zones de la roche originelle sont concernées.
On a donc sur la même roche coexistence de paléosome et de néosome.

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Métatexite rubanée
      

La structure du gneiss est conservée et leucosome et paléosome s’agencent parallèlement à la foliation donnant naissance à un gneiss rubané, une métatexite rubanée.
Dans quelques cas, le néosome s’injecte dans le paléosome sous forme de veines souvent plissées.

• En résumé : Métatexite = Paléosome + Néosome

Les Diatexites

L’anatexie est plus intense, toutes les parties de la roche étant affectées par la fusion.
Le paléosome a pratiquement totalement disparu, subsistant parfois en enclaves de petite taille appelées restites.
Le rubanement acquis aux premiers stades de l’anatexie est quelquefois conservé. On parle alors de diatexite rubanée.
Le rubanement peut disparaître et le mélanosome tend à se mélanger avec le liquide granitique. La roche n’a plus de texture nette ; on parle alors de diatexite nébulitique.

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Diatexite rubanée
      

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Diatexite nébulitique

Une autre classification fait appel à la teneur en biotite. Si celle-ci est supérieure à 30% du volume de la roche on parle de diatexite mélanocrate, si elle se situe entre 10 et 30% du volume, on parle de diatexite mésocrate et s’il y a moins de 10% de biotite on parle de diatexite leucocrate.

• En résumé : Diatexite = Néosome seul

Les Granites d’anatexie

Le terme ultime de l’anatexie est la fusion complète de la roche de départ.
Les minéraux résiduels comme la biotite du mélanosome commencent à fondre et se mélangent au liquide.
La roche devient un gigantesque leucosome sans orientation nette.
Ce leucosome porte le nom de granite et lorsqu’il est encore associé aux migmatites, on parle de granite d’anatexie.

• En résumé : Granite d’anatexie = Leucosome seul

  Au long de la coupe, la coexistence de métatexites rubanées ou non, de diatexites rubanées ou plus ou moins nébulitiques et de quelques “ bouffées ” de granite d’anatexie, est la preuve que nous sommes bien ici au coeur du domaine migmatitique de Saint-Malo. Le gneiss originel, qui est un paragneiss, n’est plus reconnaissable que dans les enclaves qui correspondent à des portions de sédiments réfractaires à la fusion soit en raison de leur composition soit en raison de leur position dans la pile sédimentaire.
On remarquera aussi que le rubanement des migmatites contourne ces enclaves et que, dans certains cas, des veines de leucosome y sont injectées preuve que ce dernier était liquide alors que le gneiss était solide.

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Dans les métatexites, on reconnaît aisément le paléosome identique au gneiss des enclaves et le néosome constitué d’un leucosome isotrope et à gros grains bordé par un mélanosome biotitique.
Dans les diatexites, le paléosome a totalement disparu. Si le mélanosome est encore important la roche a un aspect rubané. Si le leucosome domine, le mélanosome n’y subsiste plus que sous forme de flammèches (schlierens) qui donnent à la roche un aspect nébulitique.
Le granite d’anatexie, qui n’est en réalité qu’un gigantesque leucosome, ne montre pas d’orientation préférentielle, est isotrope, son grain est millimétrique à plurimillimétrique, mais son aspect est quelque peu différent de celui des granites habituels. Il est constitué essentiellement de quartz et de feldspaths ainsi que de biotite en quantité relativement faible.
Dans ce coeur du Massif de Saint-Malo on trouve donc toutes les roches du domaine depuis les moins affectées par l’anatexie jusqu’aux termes ultimes de la migmatitisation (granite). La fusion des roches métasédimentaires est survenue dans le champ de stabilité de la biotite, c’est-à-dire à des températures inférieures à 800°C et a impliqué principalement la déstabilisation de la muscovite.

Reprendre le parcours en sens inverse dans la ville puis rejoindre la D 168. En allant à gauche redescendre vers le barrage de la Rance.
Prendre à droite (D 114) vers La Richardais.
Juste à l’entrée de cette ville prendre à gauche l’Avenue du Grognet qui mène à une placette. Rejoindre à pied le rivage au-dessus duquel est aménagé un jardinet.

Arrêt n°2- Nord de la Richardais (La Richardais)

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La petite falaise qui entoure le jardinet est constituée de migmatites dans lesquelles il est possible de reconnaître à la fois des métatexites rubanées ou hétérogènes et des diatexites plus ou moins nébulitiques.
Les déformations plastiques et les cisaillements sont intenses.
Quelques portions de paléosome sont reconnaissables dans de petites enclaves plus ou moins ovoïdes.
Sur le flanc nord de la pointe, des amas micacés centimétriques peuvent correspondre à d’anciennes cordiérites.

Nous sommes là encore dans le domaine des migmatites de Saint-Malo, l’anatexie y étant toujours importante.

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Revenir sur la D114 et à gauche rejoindre le centre de la Richardais puis après quelques centaines de mètres descendre à gauche vers le port de cette commune.
Se diriger vers la cale.

Arrêt n°3- Port de la Richardais (La Richardais)

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Le premier affleurement situé au sud de la cale de la Richardais montre des roches composites dans lesquelles on reconnaît d’une part des gneiss sombres assez homogènes, à grain fin, qui correspondent aux gneiss de la vallée de la Rance, d’autre part des gneiss dans lesquels alternent des lits clairs, quartzofeldspathiques et des lits sombres biotitiques qui offrent tous les caractères de certaines migmatites (métatexites) observées précédemment.

Nous sommes en effet ici dans la zone de la vallée de la Rance qui montre tous les stades d’une anatexie débutante.
Les gneiss sont déformés par des plis qui correspondent à une déformation qualifiée de D2 puisqu’elle déforme la foliation métamorphique acquise lors d’une première épisode de déformation que l’on qualifie logiquement de D1.
Dans les métatexites le néosome clair et le paléosome sombre sont aisément identifiables, organisés en bandes parallèles à la foliation. Il s’agit donc de métatexites rubanées provenant d’une anatexie in situ des gneiss.
On distingue assez facilement à l’oeil nu dans le paléosome la sillimanite et la cordiérite, silicates d’alumine symptomatiques d’un métamorphisme de basse pression et haute température.

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Ces métatexites sont également affectées par la tectonique, les plis, parfois très serrés, que l’on voit étant contemporains et analogues à ceux des gneiss.
D’autres veines leucocrates recoupent nettement la foliation des gneiss.
On notera que sur cet affleurement l’anatexie est peu développée le rapport néosome/paléosome étant très petit.
Sur cet affleurement, il y a donc coexistence des gneiss non mobilisés et des gneiss partiellement fondus.

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Nous sommes typiquement dans la zone de transition entre les gneiss de la vallée de la Rance et les migmatites de Saint-Malo.

En poursuivant vers l’anse de la Richardais, ces roches sont recoupées par un filon doléritique pincé en son milieu.

Revenir sur la D 114 et poursuivre vers le Minihic-sur-Rance.
Après environ 1400 mètres prendre à gauche (fléchage) vers l’espace naturel départemental de la pointe de Cancaval.

Arrêt n°4- Pointe de Cancaval (Pleurtuit)

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La pointe de Cancaval, avec ses faux airs de Méditerranée et en dehors d’offrir de beaux points de vue sur la vallée et sur le barrage de la Rance, fait affleurer, un peu comme dans le site précédent, les gneiss de la vallée de la Rance au taux de fusion plus ou moins prononcé. Ainsi coexistent les gneiss originels et des métatexites.

On voit également des gneiss d’injection, c’est-à-dire des roches dans lesquelles un mobilisat quartzo-feldspathique est franchement injecté et qui sont toujours présentes dans les zones de contact entre les gneiss et les migmatites.

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Ces roches sont recoupées par quelques masses granitiques et par quelques filons pegmatitiques qui renferment de grosses lamelles de muscovite.
L’analyse des structures de déformation dans les gneiss montre clairement que les plis P2, au demeurant nombreux, aux axes orientés globalement N20°E sont repris par une déformation D3 qui crée des figures d’interférence. C’est là sans doute, l’un des intérêts majeur de ce site.

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Revenir sur la D 114 et poursuivre vers le Minihic-sur-Rance.
Dans le Minihic-sur-Rance, avant l’église, prendre à gauche, puis après 600 mètres aller à droite vers la plage de Garel.
Depuis la zone de stationnement partir par la zone de stockage des annexes vers l’estran rocheux et la pointe de Garel.

Arrêt n°5- Plage et pointe de Garel (Le Minihic-sur-Rance)

Sur plus de 300 mètres, l’estran et la falaise de la pointe de Garel exposent de façon remarquable les gneiss de la vallée de la Rance.

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La série lithologique montre des alternances décimétriques à métriques de bancs massifs et fins. Dans le détail, les bancs massifs apparaissent eux-mêmes formés d’une succession millimétrique à plurimillimétrique de lits à grain fin, parfois riches en minéraux phylliteux (chlorite, muscovite, biotite brune) et de lits à grain plus gros contenant en plus grande quantité de quartz, de plagioclase, de feldspath potassique. Il est clair que ce litage est d’origine sédimentaire. 

Stratigraphiquement, nous sommes là au milieu de la pile sédimentaire, la base gréseuse se situant originellement au nord dans la région de Saint-Malo (cf. arrêt 1), le sommet moins gréseux et beaucoup plus silteux se situant au sud dans la région de Langrolay-sur-Rance (cf. arrêt 6).
La foliation est fort bien exprimée, toujours parallèle au litage, à pendage de l’ordre de 50° dans la partie ouest de la coupe, moins pentée dans sa partie est où elle est souvent affectée de plis.
L’érosion, toujours dans cette partie orientale de la coupe, a souvent dissocié les bancs les plus massifs des bancs les plus fins accentuant l’aspect feuilleté de la série.
On peut en outre vers la pointe noter un début de fusion-recristallisation l’ensemble prenant l’aspect de migmatites.

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L’assemblage minéralogique le plus courant dans ces sédiments non migmatitiques, reconnu en lame mince, est muscovite + biotite + plagioclase + feldspath potassique + quartz avec accessoirement de la tourmaline, de l’apatite, du zircon et de l’ilménite. Ces minéraux sont généralement de petite taille. Ce sont les lamelles de biotite orientées parallèlement les unes aux autres qui matérialisent le plan de foliation, indiquant qu’elles ont cristallisé sous des pressions importantes. Le métamorphisme était donc un thermodynamométamorphisme parfois nommé métamorphisme régional.
Les assemblages riches en alumine peuvent contenir plus de 30% de muscovite.
Celle-ci apparaît généralement sous forme de grands cristaux qui recoupent la foliation et qui indiquent clairement leur caractère tardif par rapport à la foliation.
Cette grande muscovite contient de nombreuses inclusions parmi lesquelles de la sillimanite, sous forme de sa variété fibrolite. Ce silicate d’alumine qui apparaît au delà de 600°C est indicateur d’un métamorphisme de haute température.
La muscovite s’est formée à partir de la déstabilisation et de la destruction de la sillimanite, lors de la diminution de la température après le paroxysme thermique du métamorphisme, selon la réaction : sillimanite + feldspath potassique + eau ---> quartz + muscovite. Ce phénomène s’appelle rétromorphose.

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Les gneiss sont injectés de nombreuses masses granitiques plurimétriques claires, perceptibles dès l’entrée sur le site, obliques à la foliation mais aussi de nombreux filons granitiques centimétriques parallèles à cette foliation. L’origine de ce granite n’est pas clairement expliquée. Peut-être faut-il y voir du granite d’anatexie issu d’une fusion plus complète et plus profonde des sédiments.
Sur l’estran, ces filons granitiques apparaissent fréquemment boudinés, dilacérés dans les plis formant des lentilles décimétriques à pluridécimétriques qui se succèdent en échelons.
On trouve également plusieurs filons sombres de dolérite. Ils appartiennent comme celui reconnu à la Richardais au cortège filonien dévono-carbonifère de Bretagne septentrionale.

Revenir sur la D 114, dépasser l’église du Minihic-sur-Rance et poursuivre vers Plouër-sur-Rance.
Dépasser Saint-Buc et, à la Bénatais, obliquer à gauche. Après 600 mètres descendre à gauche vers la Grève de Morlet.

Arrêt n°6- Grève de Morlet (Langrolay-sur-Rance)

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Les affleurements au nord de la grève montrent un ensemble de roches métamorphiques à couleur dominante verdâtre dans lesquelles il est possible de reconnaître la lithologie sédimentaire originelle constituée ici de l’alternance de niveaux fins et de niveaux plus grossiers.
Il est même possible de reconnaître des séquences sédimentaires.
Elles sont constituées d’un assemblage grenu (texture granoblastique) de quartz, de feldspath, de chlorite, de muscovite et de biotite.
Les niveaux fins sont des micaschistes dérivant de niveaux silteux tandis que les niveaux plus durs sons des gneiss fins dérivant de sédiments de type greywacke ou grès.

Ces roches sont déformées par des plis décimétriques à métriques d’axes orientés N°60 à N80°Est.
Ces plis déforment non seulement la stratification originelle (So) mais aussi une première surface de nature métamorphique, une foliation (S1) légèrement oblique sur la stratification. C’est d’ailleurs cette foliation (équivalent en domaine métamorphique de degré élevé de la schistosité) qui débite les roches en feuillets relativement fins.
Cette observation permet de dire que les plis correspondent à une deuxième phase de déformation D2 par rapport à la première phase de déformation D1 qui a généré la foliation ; c’est pourquoi on parle logiquement de plis P2.
A ces plis P2, les plus courants dans cette partie de la vallée de la Rance, est associée une nouvelle surface de déformation, une schistosité de crénulation (S2) de plan axial visible dans la charnière de certains plis.
Cette schistosité de crénulation va évoluer vers une véritable schistosité pénétrative lorsque l’on progresse vers le nord, en même temps que l’intensité du métamorphisme augmente.
Dans ces roches, la paragenèse minérale à chlorite, muscovite et biotite correspond à un métamorphisme de grade peu élevé.

Quelques filons granitiques recoupent l’ensemble constituant sur le rivage des blocs de couleur claire déchaussés par l’érosion.

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Cet arrêt permet également d’observer les placages résiduels de sédiments récents mis en place lors des alternances climatiques quaternaires : limons et coulées à blocs de couleur ocre soumis à des éboulements permanents.

Succession des événements et inscription dans l’histoire géologique régionale

1- Dépôt dans un bassin sédimentaire marin de sédiments détritiques essentiellement terrigènes (siltites, greywackes fines à grossières) au cours du Briovérien inférieur (590-600 millions d’années ?) qui proviennent du démantèlement des tous premiers reliefs cadomiens situés plus au nord.

2- Déformation D1, assez uniforme à l’échelle du massif, avec des plis non reconnus mais foliation S1 légèrement oblique par rapport à la stratification lors des premiers stades de l’édification de la chaîne cadomienne (stade de fermeture d’un système arcs volcaniques-bassins intra arcs) autour de 585 millions d’années (?). Le métamorphisme M1, syndéformation, se situe entre faciès schistes verts et faciès amphibolite.

3- Déformation D2 qui replisse stratification So et première foliation S1 en plis droits très largement visibles à Langrolay-sur-Rance, Saint-Suliac ou encore Saint-Jouan-des-Guérets. Ils sont tantôt déversés vers le nord, tantôt vers le sud, comme à Garel, les axes allant d’une orientation pratiquement nord-sud jusqu’à 60°Est.

Un épisode métamorphique M2, postérieur à cette déformation, intervient au sud du domaine.

4- Ce métamorphisme M2 se poursuit avec une nouvelle déformation D3 qui est associée à la mise en place de dômes migmatitiques par anatexie de la base de la pile sédimentaire autour de 540 millions d’années et formation dans l’enveloppe gneissique et micaschisteuse des dômes de plis d’amplitude kilométrique qui déforment les structures P2 en plis droits à moyennement déversés P3 d’orientation N35-40°Est.

Le dôme de Saint-Malo n’est que le plus vaste de ces dômes qui ont été recensés au long de la vallée de la Rance (Fig.3).

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Fig.3- Coupe schématique le long de la vallée de la Rance montrant la structure de la série métamorphique (d’après Brun, 1975)

L’histoire métamorphique du Massif de Saint-Malo s’achève après la phase M2 par une recristallisation de toutes les roches avec apparition de grandes muscovites.

De fait, les paragenèses progrades sont oblitérées et les isogrades que l’on peut schématiquement placer sur la carte géologique (Fig.1) et qui correspondent aux réactions suivantes,

Chlorite + Muscovite + Quartz --> Cordiérite + Biotite + eau                    Cordiérite +

Muscovite + Quartz --> Feldspath potassique + Sillimanite + eau               Sillimanite +

Quartz + Plagioclase + Feldspath potassique + eau ----> liquide                Anatexie

ne sont que le reflet du dernier métamorphisme. Ils témoignent d’un fort gradient géothermique dont l’origine est discutée.

Ces événements tectoniques et métamorphiques s’inscrivent dans l’histoire terminale de l ‘édification de la chaîne cadomienne commencée autour de 615 millions d’années. Elle s’achève en effet, dans la région de Saint-Malo, autour de 540 millions d’années, avec l’épaississement tectonique par chevauchements de la croûte qui engendre la fusion partielle des métasédiments briovériens à des températures autour de 650°-700°C et une pression inférieure à 4 kbar, suivie de l’exhumation des migmatites ainsi formées.

En guise de conclusion...

  Pour revenir à l’objet de cette journée, si la lecture des sites visités permet une vision aisée de l’augmentation du métamorphisme lorsque l’on progresse du sud vers le nord au long de la vallée, le phénomène géologique majeur qui se lit sur les roches reste la fusion progressive des paragneiss de la vallée de la Rance pour aboutir aux migmatites de Saint-Malo.
Les minéraux indicateurs du métamorphisme étant malgré tout la plupart du temps difficilement observables à l’oeil nu, le recours à la lame mince se révélant indispensable à la reconnaissance des isogrades du métamorphisme, il semble pour le moins prématuré d’envisager une valorisation pédagogique in situ des coupes naturelles qui resteront donc confinées à un public d’amateurs éclairés, d’étudiants et de professionnels de la géologie.
Il n’en reste pas moins que si on inclut des sites non visités sur son flanc oriental (Grainfollet en Saint-Suliac, pointe de la Roche du Port en Saint-Jouan-des-Guérets, la Passagère en Saint-Malo,...), la vallée de la Rance peut être regardée comme un géosite dans le domaine du métamorphisme régional marqué par l’anatexie crustale plus ou moins poussée de métasédiments argileux aboutissant à la formation de migmatites et à la production de magmas granitiques.


Texte et clichés : Jean Plaine, Juin 2006

Bibliographie (présentation chronologique)


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Liens utiles

http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/svt/applic/metam2/metam2.htm

http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/svt/photo/rance/rance1.htm

 

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