Crozon (29)
La sortie du 08.04.2006 en presqu'île de Crozon
(Finistère)
Le quaternaire de la presqu'île de Crozon (Finistère)
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A l’invitation de notre association, près d’une trentaine de personnes étaient présentes au rendez-vous de Tal-ar-Groas pour une journée consacrée à la visite des sites quaternaires parmi les plus intéressants et les plus classiques de la presqu’île de Crozon.
Introduction
Si la presqu’île est un extraordinaire musée à l’air libre des formations paléozoïques bretonnes, elle offre également un grand nombre de coupes dans les formations plio-pléistocènes et holocènes qui sont issues de l’histoire récente du Massif armoricain.
Après l’histoire hercynienne, la Bretagne est, durant la totalité du Mésozoïque et le tout début du Cénozoïque, sans doute très largement restée émergée, soumise à une érosion et une altération intenses.
Le Cénozoïque voit s’installer un réseau fluviatile sur un socle qui réagit aux événements alpins. Dès l’Oligocène, en Bretagne occidentale, des rivières, tel l’Aber-Ildut, incisent assez fortement la surface éocène puis la mer s’avance plusieurs fois sur la péninsule bretonne jusqu’à une altitude de 200 mètres créant de grands aplanissements desquels émergent des îles comme le Menez Hom.
A la fin du Tertiaire et au début du Quaternaire la mer envahit à nouveau les grandes vallées comme celle de l’Elorn, submergeant les plateaux littoraux jusqu’à 120 mètres d’altitude isolant des reliefs comme le Menez Luz à l’entrée de la presqu’île.
Lors des refroidissements climatiques, les alternances gel-dégel attaquent fortement les roches et la gélifluxion remodèle les versants.
Au moment des glaciations, la mer s’étant largement retirée, les vases et les dépôts fins véhiculés par les fleuves sont repris par le vent et éparpillés sur les plateaux et les basses plates-formes littorales en un manteau parfois épais.
Par contre, lors des périodes plus chaudes la remontée du niveau marin façonne des galets, édifie des cordons littoraux et des plages que l’on trouve aujourd’hui perchées à quelques mètres au-dessus du niveau des plus hautes mers actuelles.
Toutes ces vicissitudes climatiques et paléogéographiques ont été enregistrées dans des dépôts très variés qui sont arrivés jusqu’à nous.
L’objet de cette sortie est d’aller à la découverte de certains d’entre eux.
Le circuit et les différents arrêts (Fig.1)
Fig.1- Carte avec emplacement des différents arrêts
A partir de Tal-ar-Groas, descendre au sud vers le site de l’Aber. A quelque distance prendre à droite vers la Plage de l’Aber puis à gauche pour rejoindre la côte à l’extrémité ouest de la plage.
Arrêt n°1- Plage de l’Aber (Crozon)
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La remise en eau, il y a quelques années, du polder de l’Aber a accentué l’érosion marine du rivage qui a entamé progressivement les dépôts quaternaires garnissant la base du versant continental au sud de la plage. |
A proximité immédiate de la cale, la falaise haute de quelques mètres expose la succession suivante :
- à la base, sur plus d’un mètre, on trouve plusieurs générations de dépôts de pente (“ head ”), fortement altérés.
- au dessus s’observent des sédiments ocres plus fins qui correspondent à du limon.
- enfin, surmontant le tout, ce sont des sables dunaires.
Le head s’est formé pendant les glaciations, au moment du dégel estival, lorsque l’humidité était suffisante pour engendrer le glissement de débris de roches gélivées sur les versants.
Dans l’abondante matrice limono-argileuse ocre, on observe de nombreux blocs de grès quartziques (“ quartzites ”) pluridécimétriques mêlés à des gélifracts de taille plus petite, généralement centimétrique.
Des lentilles horizontales plus claires et de petites fentes verticales correspondent à la fonte de veines de glace de ségrégation, généralement déformées par la gélifluxion.
Le limon supérieur présente de nombreuses fentes verticales, communément appelées fentes de gel, qui s’enfonçent dans le head sous jacent. Leur ouverture peut être décimétrique, mais elles se rétrécissent progressivement en profondeur et sont parfois polyfides à leur base. Les épontes sont soulignées par l’accumulation d’oxydes ferriques, tandis que leur coeur mieux drainé présente une coloration grise. Ces fentes dessinent en surface un réseau polygonal dont la maille est rarement supérieure à trois mètres. Leur genèse est tardive (tardiglaciaire) et elle est en fait liée au ressuyage estival des eaux de fonte du sol gelé. On observe alors une contraction des limons avec formation de réseaux de fentes de dessiccation. Celles-ci se reforment année après année au même endroit et s’élargissent en raison de leur colmatage par érosion superficielle du sol, lors des averses ou par apport éolien.
La circulation de l’eau de pluie dans les sables dunaires holocènes a conduit au lessivage des carbonates qui ont précipité à leur base au contact des limons argileux, en formant un grès à ciment calcaire. Celui-ci moule en fait une ancienne falaise taillée dans le head périglaciaire par la transgression flandrienne, avant le développement de la dune. Les niveaux grésifiés sont bien exposés à l’ouest de la cale où ils fossilisent les ravines entaillant les formations périglaciaires. Ils montrent des figures mamelonnées et des cannelures qui correspondent à des concrétionnements successifs.
Arrêt n°2- Flanc ouest de la plage de l’Aber (Crozon)
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La falaise rocheuse qui ferme à l’ouest la plage de l’Aber est constituée de schistes appartenant à la formation silurienne de Tal ar Groas. Elle est très abrupte et expose des coulées de gélifluxion qui réalisent ainsi la discordance du Quaternaire sur le Paléozoïque. Sur quelques mètres se succèdent des formations ferrugineuses avec une brèche à éléments anguleux de schiste de petite taille, des niveaux de grès roux admettant quelques plaquettes de schiste, puis un conglomérat à galets de roches dures bien émoussés. |
On passe ainsi d’un milieu continental froid (la brèche), à un niveau éolien littoral (le grès) puis à un niveau marin (le conglomérat).
Sur l’estran, nous sommes devant un remarquable paléorivage dont on remarquera l’obliquité par rapport au rivage actuel. Vers le sud-ouest au contact du sable de la plage, le conglomérat moule une petite falaise limitant un platier taillé dans les schistes. Cette ancienne ligne de rivage permet d’estimer le recul de la falaise de Trébéron à 50 ou 100 m selon les secteurs.
Son âge n’est pas connu : il pourrait être éémien ou plus ancien ?
Des rivages anciens identiques se trouvent également sur la plage du Ris à Douarnenez ainsi qu’au pied des falaises qui se dressent entre les plages du fond de la baie de Douarnenez.
Remonter sur la route, prendre à gauche puis à droite vers Trébéron puis encore à droite pour atteindre la D887.
Aller à gauche pour rejoindre Crozon (Kroazon). Au premier rond-point, aller à droite vers Camaret (Kameled). La route contourne la ville par le nord.
Dépasser la route qui part à droite vers Roscanvel (Roskanvel) et, au carrefour suivant, tourner à gauche en direction du centre-ville et de Morgat (Morgad).
Au rond-point suivant prendre immédiatement sur la droite la première route (D 308) en direction de la Pointe de Dinan (Beg Din).
Poursuivre jusqu’à la zone de stationnement de la pointe.
Depuis le parking, emprunter le chemin empierré qui descend au long du versant rocheux puis à gauche vers l’anse de Kerguillé (Porz Koubou).
Arrêt n°3- Porz Koubou (Crozon)
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En contrebas du hameau de Kerguillé, le site de Porz Koubou permet l’observation d’une remarquable plage fossile qui n’avait pas échappé à Charles Barrois qui en a donné en 1877 une description, la première pour le Massif armoricain. On comprend dès lors l’intérêt patrimonial de l’affleurement ! |
Cette plage quaternaire fossilise un platier ancien nivelant les schistes et les grès quartzitiques de la formation silurienne de Kerguillé. Elle est principalement constituée de galets pluricentimétriques de quartzites blancs réunis par un ciment ferrugineux ocre à rouge vif constituant ainsi un conglomérat qui est accolé à la falaise et remplit les encoches entre les bancs de grès siluriens.
Cette coloration si particulière a amené Barrois à qualifier ce type de plages anciennes que l’on rencontre un peu partout sur le littoral breton de “ plage rousse ”.
Ce conglomérat renferme également de nombreuses roches exotiques (Barrois en a dénombré plus d’une dizaine !) dont du granite rose provenant d’un massif granitique paléozoïque immergé reconnu depuis en mer d’Iroise.
Durant les transgressions du Quaternaire, les galets issus de l’érosion de la plateforme continentale ont formé des cordons littoraux qui poussés au rivage par les vagues, sont parvenus dans certains cas au pied des abrupts littoraux. Dans l’anse de Porz Koubou, les silex mésozoïques sont rares par rapport aux granites roses ce qui laisse supposer qu’au moment du départ de la transgression les calcaires crétacés situés à l’ouest du pluton granitique étaient immergés.
Au nord de l’anse, le head périglaciaire constituant la plus grande partie de la falaise montre plusieurs cycles périglaciaires.
A la base de la coupe, existe un niveau à blocs de grès armoricain de couleur claire. Au-dessus apparaît un niveau altéré, lui-même surmonté par un niveau à blocs de couleur plus grise. Au sommet le head supérieur à plaquettes de schiste, est pavé d’énormes dalles libérées par la crête de grès armoricain.
Il y a quelques années à l’extrémité du chemin d’accès, un niveau de sable éolien pléistocène était plaqué contre les heads de la falaise. Il a aujourd’hui disparu, mais on l’observe encore associé à une plage ancienne non cimentée, plus à l’ouest en direction de la pointe de Dinan.
Si on regarde de plus près le haut de la plage, on note qu’il y a en fait plusieurs plages superposées.
Tout en en haut, un niveau à galets est associé à des argiles déposées dans une petite dépression humide sur le revers d’un cordon littoral qui a par la suite disparu.
En dessous, les galets sont mieux consolidés et se disposent en bancs qui intégrent de grosses dalles de schiste issues d’éboulements. Un véritable pavage de blocs sub-anguleux apparaît localement à la surface du banc inférieur. Celui-ci mieux cimenté constitue le conglomérat occupant le haut de l’estran.
Fig.2- Les formations quaternaires de Porz Koubou (dessin André Guilcher, 1969)
Si l’ancienneté de ces plages rousses est attestée par les heads qui les surmontent, elles sont par contre azoïques et très mal datées. Pour avoir des précisions, il faut rechercher les paléosols interglaciaires associés, les industries paléolithiques et utiliser des méthodes de datation physico-chimiques objectives.
Par ailleurs, si on observe le littoral en direction du sud, on constate que les reliefs sont coupés au cordeau, les formations géologiques étant tranchées par une surface d’érosion tertiaire qui nivelle vers 60-70 mètres d’altitude l’ouest de la presqu’île, à l’exception de la barre de grès armoricain du cap de la Chèvre.
Repartir en direction de Crozon.
Après environ 1800 mètres, prendre la première route à droite qui part vers le sud. Continuer en direction de Lostmarc’h. Peu après le hameau de Kernaléguen aller à gauche. La route descend, franchit une zone humide (parking d’accès à la plage de Lostmarc’h), puis remonte. Au carrefour suivant (stop), laisser sur la droite la route qui mène à la plage de la Palue. Continuer tout droit, dépasser le beau hameau de Kerglintin pour rejoindre Saint-Hernot.
Sur la D 255 partir à gauche et, à la sortie du hameau, rejoindre le parking de la Maison des Minéraux.
Traverser ce parking pour emprunter le chemin de terre qui part en face.
Suivre ce chemin jusqu’à ce qu’il vienne buter contre un autre chemin (chemin de Grande Randonnée). Stationner le long de ce chemin pour partir à l’Est par un large sentier qui, à partir d’anciens bâtiments en ruine, devient plus difficile.
Il descend peu à peu vers la pointe de Saint-Hernot, offrant de très beaux points de vue sur les falaises de grès de Morgat.
Arrivés au-dessus de la pointe il faut suivre le sentier sur la droite pour arriver à un belvédère naturel qui surplombe une petite crique occupée par une grève de galets.
Arrêt n°4- Pointe de Saint-Hernot (l’Île Vierge) (Crozon)
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Au sud de la pointe de Saint-Hernot, au-dessus de grottes creusées dans le grès armoricain, un niveau de galets orienté à l’ouest, se situe à une altitude d’une dizaine de mètres par rapport au niveau des hautes mers. |
Les galets sont de taille moyenne, les plus gros ne dépassent pas 20 cm de longueur ; il s’agit presque exclusivement de galets de grès armoricain légèrement altérés et quelque peu dérangés par les coulées périglaciaires dans la partie supérieure du dépôt.
Cette position abritée a permis à la plage de persister alors qu’ailleurs, dans les sites exposés de la presqu’île, seuls des replats dans le profil des falaises attestent de la présence de hauts niveaux marins.
D’autres formations à galets marins, jusqu’à +10 m au-dessus des plus hautes mers se voient également au plafond des grottes marines qui jalonnent la Formation du Grès armoricain, attestant ainsi de la continuité de cette ancienne ligne de rivage dans les falaises du cap de la Chèvre, comme dans celles de Camaret.
Reprendre le véhicule. Rejoindre Morgat par la D 255 puis Crozon. Prendre par la D 8 la direction de Camaret-sur-Mer. A l’entrée de cette ville (rond-point) aller vers les alignements de Lagatjar et la pointe du Toulinguet.
Peu avant cette pointe atteindre la zone de stationnement de l’anse de Pen-Hat (Pen Had).
Arrêt n°5- Pen Hat (Camaret-sur-Mer)
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Le rentrant de la côte correspond à un isthme de Briovérien entre deux pointes de Grès armoricain. Les sédiments briovériens essentiellement schisteux affleurent sur l’estran et au pied de la falaise du Toulinguet à l’extrémité de la plage. |
La coupe observée est la suivante :
* Une plage ancienne constituée de galets liés par une matrice argilo limoneuse beige, est visible au pied de la falaise du Toulinguet. Sa partie supérieure admet des gélifracts et elle est infiltrée par des argiles gris foncé correspondant à un sol de bas de versant.
* Vers le sud, on observe des galets et un sable de plage daté à 403 000 ans par la méthode ESR (Electron Spin Resonance). Sur la plage, après le retrait de la mer, s’est développé une pédogenèse correspondant à un sol hydropodzolique de couleur brune.
Les hommes ont fréquenté cette plage et y ont laissé des industries lithiques; il s’agit d’un outillage sommaire réalisé à partir des silex présents dans la plage ancienne et du grès armoricain local.
Il s’agit d’un site attribué au Paléolithique ancien, comme celui qui est actuellement fouillé à Ménez-Drégan en Plouhinec. A cette époque les hommes (Homo erectus) ont dû occuper temporairement un abri sous roche dans la falaise en arrière de la plage fossile.
* Au-dessus viennent des coulées de versant périglaciaire à macrogélifracts. Elles sont massives au pied du Toulinguet et s’amenuisent progressivement vers le sud, en devenant de plus en plus argileuses. Ces dépôts passent latéralement à des argiles lacustres déposées dans des mares formées en avant du versant lors d’une nouvelle transgression marine. Cette dernière n’a guère dépassé le niveau actuel comme l’a montré la présence d’entailles creusées par les vagues dans les argiles, le sol et la plage ancienne, avant leur fossilisation par les sables dunaires qui se sont accumulés devant l’isthme du Toulinguet.
Les niveaux successifs de la coupe de Pen Hat
* Dans la partie basale de la coupe, plusieurs phases dunaires entrecoupées par des apports de versant et la formation de sols se sont succédées pendant un long interglaciaire, avec des refroidissements marqués par la présence de gélifracts dans les sables et de niveaux géliflués. Les périodes de réchauffement climatique correspondent à deux sols illuviés. Le premier de teinte brunâtre, qui se suit jusqu’à l’escalier d’accès à la plage, a livré quelques industries lithiques. Le second plus sableux se caractérise par une rubéfaction importante, et pourrait chronologiquement être contemporain d’un niveau de plage ancienne reconnu dans la falaise au sud de l’anse de Pen Hat.
* L’ensemble de ces formations est taillé en biseau par des coulées de gélifluxion où les niveaux à blocs alternent avec des couches plus limoneuses. Localement à la base de la coulée de head supérieure on peut suivre sur quelques mètres un niveau de sable dunaire pédogénisé et rubéfié correspondant à une phase tempérée entre deux cycles périglaciaires. Des niveaux de sable éoliens rubéfiés ont été aussi observés dans les heads au sud de l’anse de Dinan et pourraient être contemporains des plages éémiennes, dans la stratigraphie locale.
* Le sommet de la coupe correspond à une dune flandrienne qui fossilise le sol postglaciaire. Au sommet de ce dernier, à la base du sable, on remarque une espèce de gastéropodes terrestres qui en Bretagne occidentale a actuellement disparu (Pomatias elegans) et au centre de l’anse, des grès calcaires étaient autrefois visibles au contact du head argileux, comme à l’Aber de Crozon.
En résumé, les crêts des grès armoricains ont alimenté durant les périodes périglaciaires des coulées de gélifluxion (niveaux supérieurs à blocs) qui ont fossilisé d’anciens sols et des dépôts dunaires antérieurs (niveaux inférieurs bruns et ocre rouge). Les formations quaternaires de Pen Hat ne peuvent être que postérieures à la transgression qui a laissé des galets vers 15 m d’altitude, sur la face est de la pointe du Grand Gouin, au nord de Camaret-sur-Mer. Dans ce secteur, durant les derniers interglaciaires, la mer ne semble guère avoir dépassé le niveau des hautes mers actuelles, ce qui a permis la conservation des dépôts à l’abri du Toulinguet.
Ainsi, la coupe de Pen Hat constitue un bel exemple de séquence de dépôts pléistocènes établis depuis plus de 400 000 ans, lors de climats tantôt froids, tantôt plus chauds, avec plusieurs retours de la mer accompagnés d’invasions dunaires dont les témoins sont rarement conservés sur les rivages armoricains.
Rejoindre le rond-point d’entrée de Camaret-sur-Mer. Prendre la D 355 en direction de Roscanvel. La route longe la côte et, après un peu plus de deux kilomètres, atteint la plage de Trez Rouz.
Arrêt n°6- Plage de Trez-Rouz (Crozon)
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Le site de Trez Rouz se situe sur un isthme déprimé qui rattache la presqu’île de Quélern-Roscanvel à la partie centrale de la presqu’île de Crozon. L’anse en elle-même est limitée au nord et au sud par des falaises de grès paléozoïques. |
Ces formations colmatent une vallée morte correspondant à une rivière qui descendait des hauteurs de Camaret-sur-Mer pour rejoindre le bassin de la rade de Brest (Fig.3).
Fig.3- Le paléo-bassin de l’Abert-Ildut (d’après B. Hallégouët)
Au nord de la plage, on reconnaît deux générations de produits périglaciaires sous la forme de heads très rubéfiés. En-dessous on trouve les formations paléozoïques altérées, notamment la Formation du Grès de Landévennec. Dans l’anse voisine au nord, ces altérites sont soumises à des mouvements de terrain déformant la partie supérieure de l’estran.
Vers le sud, encaissées dans ces formations anciennes, il y a des formations moins rubéfiées affectées par de grandes déformations. Elles buttent au centre de l’anse sur un platier schisteux couvert en partie par un cordon de galets barrant un maigre ruisseau.
La partie centrale de la coupe offre la succession suivante :
- A la base des dépôts se trouvent des sédiments périglaciaires gris à blocs de quartzites, remaniant quelques galets à émoussé marin.
- Au-dessus apparaissent des dépôts organiques correspondant à des tourbes littorales formées derrière un cordon littoral. La présence marine y est attestée par des pollens d’espèces se développant près du littoral.
Un niveau sableux interstratifié dans ces tourbes s’est mis en place lors d’une tempête qui a poussé le sable dans le marais. Il est daté à 470 000 ans (ESR).
- Le head au-dessus admet un niveau organique gris passant latéralement vers le nord à un sol de marais tourbeux, où les pollens traduisent un réchauffement climatique. Quelques lentilles sableuses englobant de rares galets montrent une influence littorale .
- Sous les heads supérieurs rubéfiés des lentilles de sables dunaires sont parfois visibles en fonction du recul de la falaise et des niveaux gris étirés par la gélifluxion ont également livré des pollens permettant de les lier à de petits marais littoraux.
- Au sommet de la coupe apparaît du head non déformé tronquant les formations inférieures.
La presqu’île nous offre ici un de ces tableaux de la nature qui fait immédiatement penser à “ la vague ” du peintre japonais Hokusai.
Comment expliquer les déformations soulignées par les niveaux de tourbe ?
- On peut évoquer les alternances gel-dégel qui font remonter des argiles qui sont plus plastiques que les sédiments environnants.
- On peut penser à un événement paléoséismique puisque le site est implanté sur une zone de failles.
- L’orientation et la forme des plis permettent également de supposer la présence de discontinuités liées à la présence de failles associées à des coins de glace qui ont favorisé la remontée des matériaux sous jacents lors d’une période de fonte du pergélisol en profondeur.
- Un grand glissement par gravité des dépôts argileux situés au nord de l’isthme a pu aussi comprimer des formations plus récentes installées dans un large chenal ouvert autrefois en direction de la rade de Brest.
Ces déformations ont exigé beaucoup d’eau, libérée sans doute par le dégel d’un pergélisol. Elles correspondent à un événement précédant le dernier interglaciaire. La conservation des dépôts de l’isthme de Quélern dont l’altitude n’excède pas 10 m par rapport au niveau des hautes mers, montre que depuis 500 000 ans, dans ce secteur de Bretagne occidentale, le niveau marin ne s’est guère élevé au-dessus du niveau actuel, pendant les phases tempérées.
A partir du parking de Trez Rouz revenir sur une centaine de mètres vers Camaret-sur-Mer puis prendre à gauche la route qui part vers Crozon. Poursuivre et prendre la deuxième route à droite qui passe par Léac’hmat et rejoint la D 55. Prendre à droite cette dernière sur 200 mètres et aller à gauche vers l’étang de Kerloc’h. Après un peu plus de 500 mètres apparaissent les bâtiments de l’ancienne gare de Perros auprès de laquelle il faut stationner.
Arrêt n°7- Etang de Kerloc’h- Perros Gare (Crozon)
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L’excavation ouverte à l’ouest du pont enjambant la tranchée de l’ancienne voie ferrée permet d’observer une formation de fond de vallée qui correspond à un vieux réseau hydrographique progressivement démantelé après l’Oligocène et drainant le bassin de la rade de Brest (Fig.3). |
Au Néogène le réseau qui drainait le nord de la rade était déjà profondément encaissé comme le montre la position des argiles du Zancléen dans la vallée de l’Elorn. Après avoir envahi les vallées, la trangression pliocène a débordé sur les plateaux.
Les galets ne sont pas conservés sur les deux surfaces nivelant les roches dures de la presqu’île, à l’exception des grottes du Ménez Luz, mais on les retrouve dans les vallées mortes où ils ont été piégés, lorsque la mer s’est retirée.
Dans la vallée morte du Fret, entre l’étang de Kerloc’h et la rade de Brest, ces formations ont l’aspect d’un sable grossier emballant des galets très bien émoussés avec quelques éléments sub-anguleux, plus nombreux au sommet des affleurements. A Perros, la partie supérieure de la coupe montre des infiltrations limoneuses qui ont favorisé le développement de fentes verticales caractérisant la phase de réchauffement climatique après une glaciation. Le ruisseau de Kerloc’h s’est encaissé dans ces formations, mais nulle part on ne voit la base des dépôts, contrairement aux replats de la vallée de l’Elorn où ils reposent sur les marnes à huîtres du Pliocène supérieur (Reuvérien). Les sables et graviers du Relecq ravinant ces argiles ont été datés vers 2,5 Ma par la méthode ESR . D’autres dépôts de ce type affleurent également vers 20 m d’altitude sur les replats bordant l’anse du Fret, jusqu’à l’isthme de Quélern ce qui permet de supposer un remblaiement important des anciennes vallées de la rade de Brest, avant qu’elles ne soient à nouveau excavées au cours du Quaternaire.
La méthode ESR
La datation par résonance de spin électronique (ESR ou RPE) est fréquemment utilisée par les archéologues pour dater les ossements, les dents ou les carbonates recueillis dans les terrains quaternaires.
Cette méthode peut aussi être employée pour dater le quartz présent dans les formations détritiques continentales et marines.
Le principe repose sur la capture d'un certain nombre d'électrons libres par un minéral enfoui dans une couche sédimentaire, puis sur son accumulation dans la structure de ce minéral et sa conservation.
La datation du quartz n’est cependant possible que lorsque le géochronomètre, constitué par des pièges paramagnétiques, a été remis à zéro par blanchiment optique ou thermique. On ne date pas la formation du minéral mais un événement important de l’histoire des grains comme, par exemple, une exposition prolongée aux rayons solaires (ultraviolets en particulier) lors de leur transport par l’eau ou le vent.
Il existe dans le quartz plusieurs types de centres paramagnétiques liés à la présence d’impuretés (aluminium, titane). Ces centres peuvent avoir une grande durée de vie ce qui permet théoriquement la datation d’échantillons dont l’âge peut s’échelonner entre 100 000 ans et plusieurs millions d’années, soit sur une période qui couvre le Pliocène supérieur et le Pléistocène inférieur et moyen.
La méthode ESR peut donc parfaitement s’appliquer aux formations détritiques fluviatiles qui conservent peu les restes organiques mais qui contiennent souvent des grains de quartz transportés puis stockés.
Texte : Jean Plaine et Bernard Hallégouët
Clichés : Jean Plaine
Annexes
Annexe1- Tableau de la chronologie du Quaternaire
Annexe2- Stades isotopiques et paléorivages, en considération de manifestations tectoniques et d’événements glaciels (d’après Van Vliet-Lanoë et al. 1997, modifié)
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