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Vendée (44 & 85)

 

La sortie du 17.06.2006 en Loire-Atlantique et Vendée
                                   

A la recherche des océans et des continents perdus: Les éclogites de Vendée
et leur encaissant poly-orogénique


Sortie animée par Gaston Godard, Université Pierre et Marie Curie, Paris 6
      

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Pour cette sortie de fin de printemps entre Loire-Atlantique et Vendée, des membres de la Société des Sciences naturelles de l’Ouest de la France et des Naturalistes vendéens sont venus augmenter le nombre de ceux de la Sgmb. Ainsi, 35 personnes se sont présentées au rendez-vous de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu pour aller à la rencontre des roches particulières que sont les éclogites armoricaines et leurs gneiss encaissants.

Introduction

Trois ensembles lithostructuraux sont classiquement distingués en Vendée (Fig.1) :
- le complexe des Essarts-Mervent individualisé dans des formations métamorphiques disposées en lames verticales.
- les unités nord-vendéennes au nord-est qui comprennent l’unité de Chantonnay, l’unité de Montaigu, le Haut-Bocage.
- les unités sud-vendéennes au sud-ouest qui regroupent le Bas Bocage et la Vendée littorale.

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Figure 1- Carte géologique simplifiée du massif vendéen

Ces différentes unités sont limitées par des zones de fractures d’ampleur crustale, de direction NW-SE, que l’on peut rapporter à des structures satellites du cisaillement sud-armoricain.
C’est au sein du complexe des Essarts-Mervent qu’entre Loire-Atlantique et Vendée, l’unité haute-pression des Essarts apparaît encadrée par le sillon houiller de Vendée au nord-est et par la ligne tectonique Sainte-Pazanne-Mervent au sud-ouest.
Ces deux failles délimitent un couloir de près de 150 kilomètres de long pour quelques kilomètres de large qui comprend 3 unités métamorphiques distinctes : (1) l’unité à éclogites des Essarts, (2) l’orthogneiss de Chantonnay-Mervent, (3) l’unité épizonale de Roc-Cervelle (Fig.2).

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Figure 2- Carte synthétique de l’Unité des Essarts (d’après Godard)

Les éclogites de l’unité haute-pression des Essarts et les roches associées forment des lentilles de plusieurs kilomètres de long qui sont pincées et faiblement boudinées au sein des gneiss environnants. Ce sont ces roches qui ont retenu notre intérêt lors de cette sortie.

Eclogite

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C’est l’abbé Haüy qui les a baptisées en 1822, s’appuyant sur la “ sélection ” singulière des minéraux les constituant, un grenat et un clinopyroxène, le mot “ sélection ” ou “ choix ”se disant “ eklogê ” en grec.

Le circuit et les différents arrêts (Fig.3)


>> Avertissement : la plupart des sites visités sont sur des domaines privés ; leur accès est donc soumis à autorisation.

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Figure 3- Le circuit et les différents arrêts

Depuis l’église de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu prendre au sud-ouest la direction de Touvois (D65) puis, toujours dans la ville, à droite la direction de la Marne via le Breuil. Après environ 1500 mètres, on atteint un château d’eau installé à un carrefour. Stationner en bordure de la route qui part à droite.

Arrêt n°1- Château d’eau (Saint-Philbert-de-Grand-Lieu)

De ce point élevé et carte géologique à l’appui, il est possible de faire une lecture du paysage et de comprendre comment les diverses unités géologiques se marquent dans la topographie.

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L’unité de haute pression des Essarts (Unité H-P) dans laquelle se rencontrent les éclogites est délimitée par deux grandes failles tardihercyniennes.
Elle se reconnaît aux reliefs qu’elle forme dans la topographie (Corcoué-sur-Logne, Rocheservière). Ces reliefs ont été réactivés récemment comme en témoignent les grabens remplis de sédiments tertiaires parmi lesquels se trouve le gisement fossilifère de la Marnière qui est redonien (Plio-pléistocène).
Elle est bordée au sud par l’unité métavolcanique de Saint-Martin-des-Noyers à bimodalité volcanique basique (amphibolites) et acide (rhyolites à dacites) qui n’a pas subi le métamorphisme éclogitique, tandis qu’au nord, elle s’appuie sur le sillon houiller de Vendée.

En cet endroit, la zone éclogitique, large de 5 à 6 kilomètres, est masquée au nord-ouest par les sédiments récents du Lac de Grand-Lieu.

Continuer au nord-ouest la petite route jusqu’à la D 117.
Prendre à droite vers Saint-Philbert-de-Grandlieu et, au rond-point suivant, prendre à gauche la D61 vers Saint-Lumine-de-Coutais.
Après 250 mètres stationner à droite au niveau de la Piltière.

Arrêt n°2- Manoir de la Piltière (Saint-Philbert-de-Grand-Lieu)

Si la reconnaissance des éclogites de Vendée et de Loire-Atlantique est le fait de Rivière et de Dubuisson dans les années 1830, la première description pétrographique des éclogites armoricaines est due à Alfred Lacroix (1891,1893,1913) et à Charles Baret (1882, 1898, 1900).
C’est d’ailleurs ce dernier, pharmacien nantais féru de pétrographie et de minéralogie, qui a découvert en 1900 ce remarquable gisement.

En cet endroit, connu sous le nom de la Compointrie (ou Compointerie), hameau situé à 800 mètres plus à l’ouest, les éclogites sont remarquables. De ce fait, elles figurent dans de nombreuses collections soit brutes soit polies. Ces roches, dont l’étude approfondie a été effectuée en 1920-21 par Yvonne Brière, sont encore aujourd’hui heureusement visibles parmi les rocailles du manoir de la Piltière et dans les moellons des montants du portail et des murs du logis.
La propriétaire des lieux nous en a présenté avec fierté un échantillon poli taillé en forme d’obélisque.

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Ces éclogites sont des roches grenues essentiellement constituées d’omphacite (pyroxène) qui leur donne une couleur générale vert-clair très caractéristique, accompagnée de disthène bleu à blanchâtre et surtout de nombreux grenats roses de taille centimétrique. La matrice contient également de la zoïsite et de la hornblende magnésienne.

Elles offrent d’intéressantes structures de rétromorphose, pour certaines bien visibles à l’oeil nu. Le grenat est systématiquement entouré d’une couronne sombre constituée d’amphibole secondaire développée à l’interface avec l’omphacite ; c’est une structure kélyphitique. Le disthène peut être partiellement remplacé ou bien montrer une couronne à micas (preiswerkite et margarite), selon la réaction disthène + amphibole ---> preiswerkite + margarite + plagioclase.
En lame-mince, l’omphacite paraît souvent décomposée en une symplectite à clinopyroxène et oligoclase, selon la réaction omphacite + quartz ---> clinopyroxène + plagioclase.

La preiswerkite et la margarite sodique sont des micas peu usuels, très rares dans la nature.
Ils ont été observés tous les deux ensembles dans deux gisements à éclogites : la Compointrie en France et Liset en Norvège. Ils correspondent à des produits de rétromorphose dans des couronnes ou des symplectites autour du disthène.
La rareté de ces deux micas n’est pas liée à des conditions de pression et température peu courantes ou extrêmes.
Elle semble plutôt correspondre à des compositions chimiques inhabituelles, apparaissant dans des systèmes saturés en eau, pauvres en silice, riches en sodium et aluminium, surtout, sinon exclusivement, pour des conditions de pression et température du faciès schistes verts ou du faciès amphibolite.

Ces éclogites sont issues du métamorphisme de protolithes gabbroïques qui appartiennent à une suite tholéiitique. Ce sont plus précisément des leucogabbros troctolitiques qui ont des caractéristiques de cumulats.
Ils pourraient représenter les fragments d’une vieille croûte océanique métamorphisée.
Des éclogites identiques sont connues à Saint-Denis-la-Chevasse (Fig.3) dans une carrière abandonnée et des blocs erratiques sont observables dans quelques autres gisements.

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A signaler que dans le hameau de la Compointerie, une petite rue dénommée Chemin de l’Eclogite renvoie à l’existence de cette roche dans le sous-sol. C’est aussi le point de départ d’un circuit de randonnée appelé “ circuit de l’Eclogite ”.

Poursuivre sur la D61 jusqu’au hameau de la Compointerie pour faire demi-tour et revenir vers Saint-Philbert-de-Grand-Lieu.
Passer devant l’église et prendre la direction de Saint-Colomban et Saint-Philbert-de-Bouaine par la D70.
Après environ 3 kilomètres, prendre à droite une petite route qui mène à Malville et à une déchetterie.
Après quelques centaines de mètres, en haut de butte, stationner à droite au niveau d’un chemin qui part dans les vignes.

Arrêt n°3- Malville (Saint-Philbert-de-Grand-Lieu)

Les vignes au nord-ouest de Saint-Colomban permettent de collecter, sous forme de blocs épars, des roches plutôt rares dans le Massif armoricain. Ce sont des péridotites totalement serpentinisées et silicifiées, transformées de ce fait en roches nommées birbirites.

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Les birbirites sont des roches quartzitiques, brunes, plus ou moins riches en fer, dénommées ainsi par Duparc en 1927. Leur nom dérive de la rivière Birbir en Ethiopie. Elles résultent de l’altération météorique, de l’hydratation, de serpentinites ou de péridotites.
Lors de l’altération, la serpentine est déstabilisée, perdant ses oxydes et ses hydroxydes de magnésium ; il ne reste que la silice et le fer qui mènent à la silicification.
Elle est caractérisée par des textures microcristallines dans lesquelles de la calcédoine et de petits cristaux de quartz apparaissent le long de masses colloïdales de limonite.
Dans les birbirites de Saint-Colomban, le protolithe ultramafique (péridotite à grenat) peut être reconnu dans de rares minéraux reliques (serpentine, anthophyllite, pyrope) tandis que la serpentinisation se lit dans une structure en “ peau de serpent ” résultant de la pseudomorphose de grains d’olivine.
L’altération se serait produite au Paléogène (Eocène), période d’intense altération météorique en Vendée, alors que les roches ultramafiques se trouvaient sous climat tropical et proches de la surface d’érosion yprésienne. On sait qu’à cette époque, les roches ont été affectées sur une épaisseur de plus de 10 mètres. C’est le cas pour les éclogites, les amphibolites et surtout les gneiss.

Revenir vers la D70 et aller à droite vers Saint-Colomban.
Dépasser cette localité et poursuivre vers Saint-Philbert-de-Bouaine.
400 mètres après avoir franchi la Boulogne et être entré en Vendée, aller à droite vers la Gerbaudière.

Arrêt n°4- Carrière de la Gerbaudière (Saint-Philbert-de-Bouaine)

La carrière de la Gerbaudière, ouverte à proximité de Saint-Philbert-de-Bouaine, s’étend sur environ 30 hectares. Il s’agit d’un très grand boudin d’éclogites, l’un des plus grands gisements au monde, long de plusieurs kilomètres, que l’exploitation a largement mis au jour.
La carrière est allongée parallèlement à la lentille d’éclogite. On y extrait des roches massives pour granulat et accessoirement pour enrochement.

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Les différents fronts de taille et les gradins permettent d’observer les divers faciès des éclogites qui sont ici des éclogites à quartz, ainsi que leurs relations avec les gneiss de l’encaissant. Ces derniers sont des paragneiss (gneiss dérivés de roches sédimentaires) qui apparaissent sous forme de panneaux à l’intérieur des éclogites sans que l’on puisse voir le contact entre les deux types de roches.
Le rubanement et la foliation des gneiss sont parallèles à la foliation des éclogites qui est ici subverticale.

L’éclogite de la Gerbaudière apparaît constituée de cristaux de grenat rouge, souvent automorphes, dont la taille moyenne est de 4 à 5 millimètres dispersés dans une matrice foliée (déformation syn-éclogitique) verdâtre consistant en quartz et principalement en omphacite. Zoïsite, clinozoïsite, rutile, ilménite, sulfures (pyrite bien visible), et calcite sont les minéraux accessoires.
A l’échelle de l’affleurement, elle montre fréquemment une structure rubanée dans laquelle se succèdent niveaux à grain grossier, niveaux à grain plus fin, riches en grenat, niveaux massifs à grain fin sans grenat. Ce rubanement a été transposé dans la foliation au moment de l’épisode de métamorphisme éclogitique. Il est sans doute originel au protolithe de cette variété d’éclogite qui est globalement un gabbro à olivine.
La roche offre les caractéristiques géochimiques d’un basalte de ride médio-océanique (MORB). Cette éclogite pourrait donc représenter les fragments d’une vieille croûte océanique métamorphisée.

La déformation plastique de ce protolithe lors du métamorphisme en faciès éclogite est soulignée par l’omphacite aplatie parallèlement au rubanement.
Au microscope, des minéraux inclus dans les cristaux de grenat (quartz, zoïsite, amphibole...) appartiennent clairement à une paragenèse plus ancienne, pré-éclogitique suggérant que le protolithe était plus précisément une roche gabbroïque amphibolitisée et saussuritisée généralement non déformée.
Le métamorphisme responsable de la transformation du protolithe gabbroïque s’est produit à une température de l’ordre de 650-750°C et une pression avoisinant les 20kbar, soit à une profondeur d’environ 50-60km.

A l’opposé, on y observe tous les stades de la rétromorphose qui conduit à de véritables amphibolites.
Le grenat est entouré d’une couronne kélyphitique à amphibole, plagioclase, magnétite, chaque omphacite est auréolée d’un liseré de symplectite à clinopyroxène et plagioclase.
Durant le métamorphisme rétrograde, la plus grande partie de l’éclogite a été transformée en amphibolite qui montre une paragenèse finale de hornblende vert sombre + plagioclase + quartz ± épidote ± grenat ± sphène.
Cette amphibolitisation affecte partout les bordures de la lentille d’éclogite. Elle se développe également à partir de fractures tardives séquantes sur la foliation au long desquelles circulent des fluides aqueux ; la roche se charge en amphiboles, devient noire.
Des datations effectuées sur les éclogites de la Gerbaudière fournissent un âge de refroidissement autour de 320 millions d’années (Carbonifère).
Il apparaît également qu’elles ont été amenées en surface à la fin du Carbonifère (autour de 300 millions d’années) puisqu’elles se retrouvent en galets dans les dépôts carbonifères stéphaniens du sillon houiller vendéen.

La roche qui possède d’indéniables qualités ornementales a servi à la réalisation de divers monuments. Ainsi, la municipalité de Saint-Philbert-de-Bouaine a utilisé l’éclogite de la Gerbaudière (appelée Pierre de Bouaine) pour construire une fontaine sur la place du village (place des Halles juste au nord de l’église).

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On la trouve également dans une stèle à l’honneur de René-Just Haüy, célèbre minéralogiste “ inventeur ” des systèmes cristallins qui a décrit le premier l'éclogite, et sur la tombe du géologue Jackson.
A noter que cette carrière, pour ses intérêts scientifiques et pédagogiques majeurs, figure à l’inventaire du patrimoine géologique de Vendée (fiche n°5) site web : http://www.vendee.fr/vendee/dossiers/default.asp?dsp=540

Traverser la Gerbaudière pour rejoindre la D74.
Aller à gauche vers Saint-Philbert-de-Bouaine.
Dans la localité prendre à droite vers Rocheservière (D 937).
Entrer dans Rocherservière pour prendre la direction de Mormaison (D7).
A la sortie du village, après la gendarmerie, prendre à droite un chemin qui descend vers la Boulogne, au bout duquel existe une aire de pique-nique.

Arrêt n°5- Rive de la Boulogne (Rocheservière)

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Les faciès gneissiques encaissants de l‘éclogite affleurent au niveau de l’aire de pique-nique sous le sanctuaire de la vierge. Ce sont ici des paragneiss avec des pseudomorphoses sombres de cordiérite allongées parallèlement à la foliation.
Ils affleurent au long de la Boulogne sur deux kilomètres selon une bande orientée Nord-Ouest – Sud-Est.

Revenir vers le centre de Rocheservière et prendre à droite en direction de la Roche Blanche une petite route qui longe la Boulogne.
Dépasser la Garde, le Moulin Neuf. Peu après la Valotière, prendre à gauche, toujours en direction de la Roche Blanche.
Après 150 mètres aller à gauche vers le Manoir de la Ruffelière.

Arrêt n°6- Manoir de la Ruffelière (Rocheservière)

Le manoir de la Ruffelière, près de Saint-Philbert-de-Bouaine, fut détruit en 1417 durant la guerre de 100 ans, reconstruit dans les années 1420 par Aliette de Polhay et Jehan de Goulaine, puis à nouveau incendié en 1794 durant la Guerre de Vendée (Aillery, 1914).

Bien que la plupart des gneiss environnant les éclogites sont foliés et montrent un métamorphisme rétrograde, il en est qui sont moins déformés. Les structures et les paragenèses anciennes y sont alors préservées et révèlent une histoire métamorphique précoce très complexe qui se lit aussi bien dans des orthogneiss (gneiss dérivés de roches magmatiques) que dans des paragneiss. Ces derniers sont réputés être les plus intéressants.
Ce sont en général des paragneiss coronitiques qui montrent des évidences d’un épisode de métamorphisme haute température-basse pression (migmatites à cordiérite) suivi d’un épisode de faciès éclogitique (grenat coronitique) (Godard, 1998). Ils sont identifiables dans quelques affleurements, comme à l’arrêt précédent, mais aussi dans les appareillages des constructions ce qui est le cas au manoir de la Ruffelière.
Sur le sol de la cour de ferme, la roche affleure, montrant une structure litée, rubanée avec développement de veines quartzo-feldspathiques (leucosome) qui évoquent clairement des migmatites.
Il s’agit de l’encaissant gneissique des éclogites, avec son double métamorphisme, de haute-température (paragenèse de migmatite à cordiérite), puis de haute-pression (couronnes réactionnelles de faciès éclogite).

Cependant, ce qui retient l’attention, ce sont les murs de la propriété qui sont élevés avec une roche qui renferme de grandes taches sombres centimétriques de cordiérite pseudomorphosée.
La dalle principale sous le porche d’entrée de la cour du manoir qui a été polie par le passage des pieds durant des siècles, montre de spectaculaires pseudomorphoses dont certaines ont la forme de cordiérite pseudohexagonale.

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Ces métapélites sont des migmatites à cordiérite dans lesquelles celle-ci est remplacée par des minéraux cryptocristallins.
Elles gardent la mémoire de deux épisodes successifs de métamorphisme : le premier, de haute-température/basse-pression, qui a transformé les roches sédimentaires originelles en migmatites avec silicates d’alumine (cordiérite, sillimanite), le second, de haute-pression qui a vu leur remplacement par une paragenèse haute-pression à grenat, disthène, quartz, dont on voit aujourd’hui l’empreinte.

Revenir à Rocheservière et prendre la direction de Montaigu par la D753.
Dépasser Vieillevigne pour prendre, avant Montaigu, l’autoroute A83 en direction de Niort.
Après environ 25 kilomètres sur l’autoroute, prendre la sortie n°5 vers les Essarts.
Rejoindre les Essarts. Dépasser le vieux château et, à hauteur de l’église, prendre sur la droite la D 39 vers Boulogne.
2 kilomètres après être sorti des Essarts, prendre à droite le chemin qui mène au Manoir de Grezay.

Arrêt n°7- Grezay (Les Essarts)

Comme au manoir de la Ruffelière, les murs des dépendances du manoir de Grezay offrent un échantillonage pratiquement exhaustif des roches qui existent à proximité : ce sont des paragneiss coronitiques, des orthogneiss coronitiques, des métapélites et des métagranites. Toutes ces roches ont une signature de croûte continentale.

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A quelques centaines de mètres au sud des bâtiments, à droite du chemin ramenant à la route, une migmatite nébulitique par la suite métamorphisée sous les conditions du faciès éclogitique affleure dans une petite carrière délaissée. Comme à la Ruffelière, des points sombres centimétriques correspondent à de la cordiérite poecilitique. La migmatite montre de nombreuses petites veines de leucosome qui elles aussi renferment de la cordiérite.

Les épisodes métamorphiques

Les méthodes modernes d’analyse avec notamment l’analyse d’images multispectrale de cartes d’éléments chimiques obtenues au microscope électronique à balayage permettent de reconstituer l’histoire de la roche et donc la succession des épisodes métamorphiques .

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Exemple d'image produite par l'analyse multispectrale (in Godard, 2001)

Toutes ces roches montrent des évidences pétrologiques de deux épisodes métamorphiques :

a/ Episode Haute-Température – Basse-Pression : une paragenèse précoce, typique de conditions de HT-BP, consiste en biotite + grenat + quartz + plagioclase ± cordiérite ± feldspath potassique ± silicate d’alumine + ilménite.
Le silicate d’alumine est actuellement du disthène, mais provient de la sillimanite de laquelle il montre la structure fibroblastique (fibrolite).
La cordiérite est entièrement remplacée par des minéraux cryptocristallins qui constituent les taches sombres observées à la Ruffelière.

La biotite, le quartz et les anciennes sillimanites sont toujours séparés les uns des autres par les pseudomorphoses de cordiérite qui en plus entourent et isolent les sillimanites précoces.
Une telle structure signifie que la cordiérite s’est développée aux dépens de la biotite, du quartz et de la sillimanite selon une réaction de migmatisation bien connue :
Biotite + quartz + sillimanite (± plagioclase) ---> cordiérite + produit de fusion (± grenat ± feldspath potassique).

Ce processus est connu pour intervenir autour de 3-7 kbar et 700-850°C, en fonction des fluides et de la composition minérale.

D’autre part la migmatitisation est évidente se reconnaissant dans la présence fréquente de leucosomes et de structures nébulitiques.

b/ Episode de Haute Pression en faciès éclogite : pendant un second épisode, ces roches subissent un métamorphisme haute pression qui est souligné par plusieurs réactions métamorphiques (une quinzaine environ) parmi lesquelles on peut mentionner :
cordiérite ---> grenat + quartz + disthène (+micas)
sillimanite ---> disthène
biotite + plagioclase ---> grenat + phengite + quartz + rutile (couronne de grenat à l’interface biotite-plagioclase).

Ces réactions sont caractéristiques d’un métamorphisme HP qui est certainement contemporain de celui qui a donné les éclogites voisines.

La séquence des événements métamorphiques peut s’expliquer par un seul trajet PTt (Pression-température-temps) partant de hautes-températures (paragneiss migmatitiques à cordiérite) pour aller vers la haute-pression (couronnes et pseudomorphoses de faciès éclogite) mais pose des difficultés en terme de géodynamique.

Deux observations confortent l’hypothèse de deux trajets successifs :

a/ l’analyse des pseudomorphoses de cordiérite à la microsonde électronique indique des compositions qui sont compatibles avec des produits d’altération de ce minéral à savoir de la pinite qui est un agrégat polycristallin de chlorite + séricite, ceci à un température inférieure à 400°C.
La cordiérite a été altérée avant d’être remplacée par la pseudomorphose, c’est-à-dire avant le métamorphisme haute pression.

b/ l’association symplectique phengite + quartz qui remplace partiellement le feldspath potassique durant le métamorphisme éclogitique s’est développée de façon préférentielle au long des perthites. Ceci signifie que l’exsolution des perthites s’est produite avant l’épisode de métamorphisme haute-pression.

De ce fait, les roches ont subi leur première rétromorphose entre l’épisode de haute-température et l’épisode de haute-pression qui s’inscrivent dans deux cycles orogéniques, l’un prévarisque, l’autre varisque.

Datation des épisodes métamorphiques

La datation des épisodes métamorphiques, réalisée sur monazite, place l’épisode de haute-température à l’Ordovicien supérieur, autour de 450 millions d’années, et l’épisode de haute-pression au Dévonien, autour de 400 millions d’années.
Ces âges ne sont cependant pas “ purs ” et doivent donc être lus avec précaution.

Conclusion

Les éclogites ont des caractères géochimiques de roches océaniques. La lignée tholéiitique inclut des péridotites altérées (vraisemblablement à grenat), des éclogites à disthène, des éclogites à quartz, des éclogites ferro-titanées et des ortho-leptynites dérivant de plagiogranites.
La roche anté-éclogitique était un gabbro amphibolitisé et saussuritisé dans lequel on décèle un métamorphisme et une altération océaniques.
Le principal épisode de déformation ductile est contemporain des conditions éclogitiques.

Une partie des gneiss encaissant les éclogites a conservé la mémoire de deux épisodes métamorphiques. Ce sont des gneiss migmatitiques à cordiérite (premier épisode, de haute température) affectés par le métamorphisme éclogitique (second épisode, de haute pression).
Ces deux stades métamorphiques sont séparés par un épisode de rétromorphose, de sorte que ces roches semblent avoir subi deux cycles orogéniques distincts, pré-varisque et varisque.
Elles pourraient appartenir à une croûte continentale ancienne entraînée dans la même subduction éovarisque que les éclogites qui elles seraient d’origine océanique.

L’unité de haute pression des Essarts apparaît ainsi constituée de terrains pré-varisques d’origine océanique probable (éclogites) et continentales (ortho- et para-gneiss), impliqués dans la même convergence éo-varisque.
Il reste néanmoins à expliquer comment on y trouve aujourd’hui juxtaposés des fragments de croûte océanique et des fragments de croûte continentale.

Texte : Jean Plaine
Clichés : Tahar Aïfa et Jean Plaine

Documents utiles

Feuille géologique à 1/50 000ème : Saint-Philbert-de-Grand-Lieu n°508 (éditions du BRGM)

Annexe

Les 4 variétés d’éclogites distinguées par Godard (1988) :

A/ Eclogite à disthène, riche en magnésium et sans quartz : la matrice de clinopyroxène (Cpx) vert-clair de cette variété est ponctuée de cristaux de grenat rose dont la taille peut atteindre plusieurs centimètres.
Le disthène, la zoïsite et l’amphibole syn-éclogite faiblement colorée sont aussi abondants.
Les deux gisements principaux de cette belle roche sont La Compointrie, découvert par Baret en 1900 et Saint-Denis-la-Chevasse en carrière abandonnée.
Des blocs erratiques sont aussi connus dans d’autres petits gisements.

B/ Eclogite à disthène, pauvre en quartz : elle apparaît associée au faciès précédent.
Elle était abondante dans l’ancienne carrière de Pied-Pain (sud-ouest de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu) et des niveaux métriques existent dans la carrière de la Gerbaudière.

Ses caractéristiques pétrologiques sont intermédiaires entre l’éclogite A et l’éclogite C.

C/ Eclogite à quartz : c’est la variété la plus abondante constituant 95% du volume total des éclogites.
Les meilleurs gisements en sont les deux carrières de la Gerbaudière à Saint-Philbert-de-Bouaine.
La roche renferme des cristaux de grenat, généralement subautomorphes dont la taille moyenne est de l’ordre de 4 à 5 millimètres, inclus dans une matrice foliée consistant en quartz et en omphacite.
Des faciès sombres à amphiboles syn-éclogites dessinent un litage parallèle à la foliation syn-éclogite
Zoïsite, clinozoïsite, rutile, ilménite, sulfures et calcite sont les minéraux accessoires.

D/ Eclogite ferro-titanées à quartz : l’omphacite y est inhabituellement d’un vert sombre et le grenat est rouge brillant. Ces teintes sont dues à une haute teneur en fer.
De plus, la teneur en rutile atteint facilement 4% du volume de la roche.
Ce faciès occupe 2 à 3% des éclogites de Vendée.
Les affleurements principaux se trouvent près de Rocheservière et de Boulogne.


0rientation bibliographique

Le lecteur trouvera l’essentiel dans :

GODARD G. 2001- The Les Essarts eclogite-bearing metamorphic Complex (Vendée, Southern Armorican Massif) : Pre-Variscan terrains in the Hercynian belt ?. Géologie de la France, 1-2, 19-52.

La suite, par ordre chronologique :

DUBUISSON F.R.A. 1830- Catalogue de la collection minéralogique, géognostique et minéralogique du département de la Loire-Inférieure appartenant à la mairie de Nantes. Mellinet, Nantes, 319p.

BARET C. 1882- Zoïsite de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu. Bull.Soc.minéral.Fr., 5, 174-175.

BARET C. 1884- Traité des minéraux de la Loire-Inférieure, suivi de la description d’une nouvelle espèce minérale trouvée dans le département. Ann.Soc.académique de Nantes et de la Loire-Inférieure,(6),5,392-496 (p.466).

LACROIX A. 1891- Etude pétrographique des éclogites de la Loire-Inférieure. Bull.Soc.Sc.nat.Ouest Fr., I, 81-114.

LACROIX A. 1995- Etude pétrographique des éclogites de la Loire-Inférieure. Bull.Soc.Sc.nat.Ouest Fr., 17, (3), 76-108 (réédition).

BARET C. 1898- Minéralogie de la Loire-Inférieure. Bull.Soc.Sci.nat.Ouest Fr.,8,1-175,19pl.h.t.

BARET C. 1900- Eclogite à disthène de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu (Loire-Inférieure). Bull.Soc.Sci.nat.Ouest Fr.,10,225-227.

BARET C. 1905- Catalogue de la collection de minéralogie de la Loire-Inférieure. Bull. Soc. Sci. nat. Ouest Fr., (2), 5, 69-133.

BRIERE Y. 1920- Les éclogites françaises. Leur composition minéralogique et chimique. Leur origine. Bull. Soc. fr. Minéral., 43, 72-222.

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