Bancs de la baie du Mont Saint-Michel (35 & 50)
La sortie du 21 Mars 2009 en Baie du Mont St Michel (Ille & Vilaine, Manche)
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Les Cordons coquilliers de la Baie du Mont Saint-Michel
Dans la partie occidentale de la baie du Mont-Saint-Michel entre Saint-Meloir-des-Ondes et Cherrueix (Ille-et-Vilaine), sur son domaine public maritime, se trouve un système morpho-sédimentaire original marqué par la présence de cordons coquilliers alignés parallèlement au trait de côte. Ils représentent une des spécificités géomorphologiques de la baie du Mont-Saint-Michel et sont reconnus comme les plus importants de France. Du fait de leur présence et de leur rôle induit de barrière littorale, les bancs coquilliers sont à la base d’un système complexe où s’alternent de nombreux habitats végétalisés caractéristiques des fonds de baie et des rivages estuariens. En arrière, des dispositifs lagunaires, fonctionnels uniquement à pleine mer en période de vives eaux, s'individualisent localement et peuvent présenter des végétations aquatiques d’eaux salées et des habitats de dépressions humides. L’ensemble de ces éléments morpho-sédimentaires permet l’expression de nombreux cortèges floristiques, et ce, de manière souvent très imbriquée.
Un système complexe et dynamique
La présence de cordons coquilliers sur le haut estran est liée principalement à l’action des houles qui se surimpose à l’action prédominante des courants de marée qui règlent la répartition des faciès sédimentaires dans la baie. Comme le montre la figure 2, dans la partie occidentale de la baie du Mont-Saint-Michel, les houles de Nord-Ouest pivotent autour de la pointe du Grouin de Cancale et atteignent seulement le rivage Sud de la baie compris entre Vildé-la-Marine et La Chapelle Sainte-Anne. Le déferlement des vagues provoque un affouillement du substrat vaseux et sablo-vaseux permettant de dégager et de mobiliser en surface les coquilles de bivalves présentes au niveau du bas et du moyen estran. Le matériel carbonaté, moins dense que le sédiment alumino-silicaté environnant mis en place par la marée, migre progressivement vers le haut estran où il forme des accumulations de sables bioclastiques. La morphologie générale des bancs se caractérise par une dissymétrie entre le versant interne à forte pente vers le rivage et le versant externe en pente douce vers la mer (Caline, 1982). Plusieurs types morphologiques de bancs coquilliers peuvent être distingués en fonction de leur position sur l’estran (Bonnot-Courtois et al., 2002):
- Les bancs sableux d’estran (type C) très peu épais et d’une longueur moyenne de 100 mètres. Ils sont constitués de sables et de quelques coquilles entières et se déplacent de 10 mètres par an.
- Les bancs de haute slikke (type B) en bordure d’herbus (= schorre) (hauteur moyenne de 1,8 mètre et longueur moyenne de 300 mètres) qui se déplacent de moins d’1 mètre par an.
Ces bancs sont constitués d’un mélange de sables et de coquilles et présentent une pente douce vers la mer et plus abrupte vers la digue. Ils isolent généralement en arrière une dépression lagunaire.
- Les bancs de schorre (type A) proches des digues, stables (moins de 50 cm par an) et recouverts par une végétation halophile de fond de baie. Ces bancs sont essentiellement formés de coquilles entières.
La dynamique de ces bancs dépend de leur position sur l’estran : les bancs sableux qui sont en formation sur le bas et moyen estran sont fréquemment remaniés par les houles et migrent vers le haut estran à des vitesses de plusieurs dizaines de mètres par an. Lorsqu’ils atteignent les vasières du haut estran, colonisées par la végétation halophile, ils s’enrichissent en coquilles entières et prennent de l’amplitude. Leur migration vers le trait de côte se ralentit, avec des vitesses de déplacement de l’ordre de quelques mètres par an, car ils ne sont plus atteints que par les grandes marées. Ils forment alors une barrière littorale discontinue pouvant atteindre 2 mètres d’épaisseur et isolent, en arrière d’eaux, des milieux lagunaires à sédimentation très fine. A ce stade, les bancs coquilliers ne peuvent être remaniés et ne peuvent migrer sur le schorre qu’à la faveur de tempêtes conjuguées avec des pleines mers de vive-eau. Ces bancs sont donc relativement stables et des végétations pionnières peuvent coloniser leurs flancs. Ils peuvent être fragmentés en plus petites unités et être progressivement aplanis et incorporés à l’intérieur du schorre. Ils sont ensuite couverts d’une végétation littorale caractéristique (flore halophile et dunaire). Les cordons les plus anciens, situés plus près des digues sont totalement intégrés au schorre où ils sont colonisés par une végétation caractéristique de prés salés. Les cartographies successives de l’estran établies entre le Vivier-sur-Mer et Cherrueix témoignent de la rapidité de l’évolution géomorphologique des bancs coquilliers. La dynamique sédimentaire peut-être particulièrement active au niveau de la haute slikke et remodeler les bancs qui viennent buter contre la bordure de schorre. A titre d’exemple, la cartographie des bancs du Vivier-sur-Mer entre 1993 et 2001 montre que ces derniers se sont étalés sur le bas-schorre, perdant ainsi de l’altitude et voyant leur épaisseur diminuer (Bonnot-Courtois et Dréau, 2001).
Les enjeux de conservation
Le développement des cordons coquilliers dans la partie occidentale de la baie du Mont-Saint-Michel présente un intérêt remarquable par l’amplitude de leur extension (verticale et horizontale) et l’originalité de ces accumulations sédimentaires carbonatées sur le littoral français. De plus, ces environnements sédimentaires portent, sur des espaces relativement restreints, une grande diversité d’habitats caractérisée par des espèces à très forte valeur patrimoniale. Ces formations originales présentent donc des enjeux écologiques marqués, reconnus au titre du réseau Natura 2000, la baie du Mont-Saint-Michel étant concernée tant par la directive « Habitats-Faune-Flore » que par la directive « Oiseaux ».
Les enjeux de conservation dans ce secteur concernent essentiellement le maintien de la fonctionnalité naturelle de ces milieux, de leur originalité géomorphologique et de leur richesse patrimoniale. Pour ce faire, la dynamique naturelle d’évolution des cordons ne doit donc pas être perturbée (Mary et Vial, 2009).
Clichés: P. Jégouzo, M. Jonin
Ce compte-rendu est une reproduction d'extraits de l’article « Les cordons coquilliers de la Baie du Mont-Saint-Michel : un système original à préserver » de Mickaël Mary,Thibaut Thierry, Loïc Delassus et Chantal Bonnot-Courtois, Erica, 22, avril 2009.