La sortie du 28 septembre 2013 en Moyenne Vilaine
Voyage en Moyenne Vilaine
Sortie animée par Jean Plaine, Université de Rennes 1
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Cette sortie s’inscrit dans la foulée de la parution de « Géotourisme en Ille-et-Vilaine ». Elle vise à faire découvrir certains des sites qui sont présentés dans cet ouvrage, plus particulièrement ceux qui sont proposés dans les synclinaux paléozoïques du sud de Rennes, entre Semnon et Vilaine.
Le parcours et les arrêts (fig.1)
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Fig.1 - Le parcours avec situation des arrêts.
Arrêt n°1 – Le Tertre Gris (Poligné-Pancé)
La route qui relie Poligné à Pancé (D 47) est tracée au sommet d’une butte topographique au pied sud de laquelle coule le Semnon, affluent de la Vilaine, qui y dessine une large boucle dans des terrains plus tendres. C’est le Tertre Gris qui doit vraisemblablement son nom à une transformation de « Tertre Christ », même si une des variétés de roches qui le constitue est effectivement de couleur grise.
Un peu avant Pancé, une éclaircie dans la forêt signale la présence d’un large belvédère. Dans le cadre de l’aménagement d’un sentier d’interprétation dans le Tertre, un pupitre (fig.2) y a été mis en place donnant une description globale du paysage vers le sud et proposant sous forme de trappes à ouvrir, différentes lectures de ce paysage à la lumière de différentes branches d’activité (agriculteur, géographe, géologue….). Ce site et le sentier de découvertes ont été inaugurés le 16 septembre 2006.
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Fig.2 - Le pupitre d'interprétation au Belvédère
A pied, aller vers Poligné et après une centaine de mètres prendre le sentier qui descend à gauche (balisage) (fig.3).
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Fig.3 - Direction le "volcan"
Aussitôt on rencontre la roche qui constitue l’ossature du Tertre Gris, à savoir un grès blanchâtre parcouru de nombreuses veines de quartz blanc. Il s’agit du sédiment le plus récent de la région, daté du Silurien, et qui se range dans la Formation de Poligné présente au cœur d’une petite unité synclinale. Un peu plus loin, on trouve une petite zone d’extraction dans laquelle les couches pluridécimétriques de grès sont subverticales.
Après plusieurs centaines de mètres de parcours au long duquel le grès est toujours présent, le sentier rejoint l’Allée du Volcan que l’on prend à gauche pour rejoindre une plateforme puis un escalier qui descend vers le « Volcan ».
Le pseudo-volcan
On découvre alors, sur la gauche, des affleurements de mauvaise qualité d’une roche sédimentaire noire qui constitue la seconde variété de roches observables dans le Tertre (fig.4 & 5).
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A la fin du 18ème siècle, un docte personnage, le professeur Danthon, crut lire dans ces couches de roches noires qui affleurent assez largement sur le Tertre Gris les manifestations d’un volcanisme. La légende était née, confortée plus tard par les fumerolles qui de temps à autre s’échappaient du sol (fig.12) et qui évoquaient, avec beaucoup d’imagination (« géopoésie »), un volcan italien !
En réalité ces roches sont des ampélites (du grec ampelos, vigne), sédiments argileux et siliceux, riches en matière carbonée et en sulfures, tachant les doigts, qui ont été un temps exploités comme abrasif sous le nom de tripoli et comme colorant pour griser les phosphates blancs du Maroc. Elles étaient également susceptibles d’entrer spontanément en combustion au contact de l’air en dégageant une chaleur intense. La roche se colore alors en rouge comme on peut aujourd’hui le voir à proximité de l’ancienne zone d’extraction qui fait office de « cratère » (fig.6).
![]() Fig.6 – Le « volcan » : ampélites et grès de Poligné. |
Fig.7 – Discussion devant le « volcan ». |
Alors que les grès ne le sont pas, les ampélites sont fossilifères, renfermant de nombreuses espèces de graptolites (du grec graphein, écrire), plancton marin organisé en colonies, dont on repère l’empreinte blanche sur les plaquettes de roche noire. Ces organismes permettent de placer les sédiments du Tertre Gris dans le Silurien, autour de 435 millions d’années.
Le milieu de dépôt de ces roches est particulier dans l’histoire sédimentaire paléozoïque puisqu’il correspond à un milieu marin éloigné des influences océaniques dans lequel l’absence de circulation verticale empêchait l’oxygénation de l’eau et facilitait la conservation de la matière organique accumulée sur le fond.
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Photo prise au moment de la combustion spontanée des ampélites vers 1920. |
Descendre jusqu’au Semnon. Prendre le chemin sur la gauche, passer devant « le souterrain », trou de recherche pour l’ampélite, d’anciennes carrières puis remonter vers Pancé.
Le pierrier
Un peu plus loin apparaît sur la gauche un puissant éboulis de blocs de grès de la Formation de Poligné qui forme une tache claire dans le paysage car la végétation a du mal à s’installer sur ces éléments instables (fig.8 & 9). Cet ensemble de blocs a longtemps été compris comme les rebuts d’une zone d’exploitation située en amont mais il semble qu’il s’agisse plutôt d’un pierrier ou éboulis de pente appartenant aux formations périglaciaires. Résultant de l’éclatement de la roche sous l’action répétée du gel et du dégel il s’est formé durant les épisodes froids du quaternaire qui se sont succédés depuis plusieurs centaines de milliers d’années.
![]() Fig.8 – Le pierrier. |
![]() Fig.9 – Exploration au pied du pierrier. |
Ce type de pierrier, appelé pierrier de plaine, qui existe ça et là sur les derniers reliefs de la chaîne varisque, est assez commun en Basse Normandie [ex : la Vallée de Misère dans les Alpes mancelles], mais par contre semble peu répandu, ou du moins méconnu, en Bretagne. Signalons cependant ceux de la Butte de Malvran en Saint-Aignan (56) et de Lan Vojo en Saint-Gelven (22).
Les blocs anguleux de grès de Poligné apparaissent granoclassés, les plus volumineux se trouvant à la partie inférieure du pierrier, la taille décroissant plus on monte sur la pente. Comme partout, ils montrent de nombreuses veines de quartz (fig.10&11), parfois rectilignes, parfois moins organisées ainsi que de nombreuses fentes, parfois en échelon, toujours remplies de quartz blanc laiteux.
![]() Fig.10 – Bloc de grès de Poligné veiné de quartz. |
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Partant à l’est le chemin monte vers Pancé et rejoint la route Pancé-Poligné. Partir à gauche pour rejoindre le Belvédère.
Reprendre le véhicule pour rejoindre Poligné. Aller à gauche pour descendre vers le Semnon. Rejoindre l’ancienne « route de Nantes », franchir le Semnon et un peu plus loin, dans le hameau du Châtellier, prendre à droite (D 84) en direction de Pléchâtel.
Dans le bourg, rejoindre le cimetière. À pied, le contourner par la droite pour emprunter un sentier qui mène au chemin de la Levée.
Arrêt n°2 – la Levée (Pléchâtel)
Les schistes sont partout autour de Saint-Senoux et Pléchâtel, là où la Vilaine dessine un coude après avoir reçu le Semnon comme affluent. Elle entame profondément ces roches, laissant sur sa rive gauche de hautes falaises qui permettent leur approche sédimentologique. C’est dans ce contexte morphologique qu’au début du 19ème siècle, suite sans doute à l’installation dans le bourg d’une maison des sœurs de la Charité de Saint-Louis, et par la volonté d’un curé soucieux de donner du travail à des indigents ont été creusées les grottes religieuses de la Levée, reliées par un curieux chemin taillé à même la roche (fig.13,14&17) et surmontées de chapelles votives (fig.16&18).
![]() Fig.13 – Le sentier de la Levée est taillé dans les schistes. |
Fig.14 – Le sentier de la Levée surplombe la Vilaine. |
Fig.15 – Un aménagement bienvenu. |
Fig.17 – Le sentier permet d’accéder aux schistes. |
Fig.16 – Devant une grotte religieuse. |
Fig.18 – Une des chapelles votives du site. |
Fig.19 – Le socle d’une des statues est composé de roches variées. |
Cet aménagement qui a aujourd’hui perdu de sa superbe, offre un magnifique panorama sur le fleuve (fig.20), l’embouchure du Semnon, Bourg-des-Comptes et le château de la Molière au nord ainsi que sur les reliefs boisés qui dominent à l’ouest Saint-Senoux et Saint-Malo-de-Phily.
Fig.20 – Vue au nord sur la Vilaine. |
La roche est une masse relativement homogène de schistes bleu-noir sensiblement gréseux qui appartiennent à la partie supérieure de la formation ordovicienne de Traveusot. Il est bien difficile d’y trouver la structure de dépôt, la stratification, qui est ici faiblement inclinée vers l’est, car elle est largement oblitérée par la schistosité varisque et dont les plans ont pratiquement le même pendage. Ces sédiments, en dehors de montrer quelques petits bancs lenticulaires gréseux, sont riches en nodules qui s’avèrent souvent fossilifères.
Dans des gisements proches, le contenu paléontologique apparaît très riche, constitué des célèbres trilobites, de gastéropodes, de brachiopodes (…) qui permettent d’attribuer un âge d’environ 450 millions d’années à cette ancienne vase marine qui s’étend vers le sud-est jusqu’au-delà du pont ferroviaire de Cambré (Saint-Senoux).
Retourner à Pléchâtel et partir au sud vers Saint-Malo-de-Phily par la D 77.
La route rejoint la Vilaine et la voie ferrée qu’elle longe, franchit en passage à niveau. Juste après le pont sur la Vilaine prendre à droite la petite route qui remonte le fleuve.
Après quelques centaines de mètres on rejoint le site d’une ancienne carrière.
Arrêt n°3 – Carrière de Clos-Pointu (Saint-Malo-de-Phily)
Cette carrière, fermée depuis 2010, est implantée sur la formation ordovicienne du Grès armoricain dont on voit très bien la stratification, ce millefeuille des temps géologiques (fig.21 à 23).
Fig.21 – Structure anticlinale dans la carrière de Clos-Pointu. |
Fig.22 – La carrière au pied de l’église de Saint-Malo-de-Phily. |
Fig.23 – Le grès armoricain stratifié. |
On peut toujours y observer une structure anticlinale qui avait fait l’objet d’une des cartes postales éditées par la Sgmb en 1920 (fig.27).
Fig.24 – Un sentier sur butte permet l’observation. |
Fig.25 – Coulée d’eau ferrugineuse sur le front de taille. |
Fig.26 – Devant la carrière de Clos-Pointu. |
![]() Fig.27 – Dans la carrière, au début du 20ème siècle. |
Ce pan de falaise spectaculaire s’est rapidement révélé être un site de nidification du faucon pèlerin, ce qui ajoute à sa valeur.
Fig.28 – Plan du circuit d’interprétation. |
Repartir en direction de Saint-Malo-de-Phily où l’on rejoint l’église. Partir en face par la rue Emile-Bernard puis la rue du Rocher pour atteindre l’Espace culturel.
Arrêt n°4 – Espace culturel, rue du Rocher (Saint-Malo-de-Phily)
Sur sa butte, au-dessus de la Vilaine, Saint-Malo-de-Phily vaut pour son église de style néo-roman édifiée au début du 20ème siècle, son panorama vers le sud et ses rochers. Ceux-ci, accessibles au pied de l’espace culturel où ils sont surmontés d’une vierge (fig.29 à 31), et sur le petit parking an contrebas, laissent majoritairement apparaître un conglomérat constitué d’éléments de taille supérieure à quelques millimètres réunis par une matrice peu abondante (fig.32).
Fig.29 – Le poudingue de Gourin au pied de l’Espace culturel. |
Fig.30 – Devant le poudingue de Gourin. |
Fig.31 – L’affleurement de la Vierge. |
Fig.32 – Le poudingue de Gourin. |
Les éléments étant fortement arrondis il convient de le nommer « poudingue ».
Celui de Saint-Malo-de-Phily que l’on retrouve de l’autre côté de la Vilaine au Rocher d’Uzel (Pléchâtel), est connu régionalement sous le nom de Poudingue de Gourin (localité du Morbihan où il a été défini). Les galets y sont presque exclusivement du quartz blanc laiteux dont la taille atteint difficilement 10 centimètres, accompagné de rares éléments de quartz noir (improprement appelé phtanite) et de quelques fragments gréseux. Ceci confère à la roche un aspect de dragées englobées par une matrice argileuse ou sableuse plus ou moins identifiable. Un litage avec variation de la granulométrie est visible ce qui permet d’identifier une stratification qui est ici subverticale.
Très présent dans le sud-ouest du département, autour de Pipriac, ce poudingue constitue en fait des lentilles plus ou moins volumineuses au sein des sédiments marins gréseux et silteux du Briovérien (Protérozoïque supérieur à Cambrien) de Bretagne centrale.
Son mode de mise en place n’est pas clairement établi, mais il est probable qu’il corresponde au remplissage de chenaux fluviatiles ou fluvio-deltaïques.
Il passe insensiblement à des grès verdâtres dans lesquels sont encore dispersées quelques dragées de quartz dont le nombre va en diminuant comme on le voit sur le parking en contrebas de la rue et sur le parement nord de l’affleurement qui supporte la statue mariale.
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Fig.34 – Affleurement de grès et de microconglomérats briovériens.
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Clichés et texte: Jean Plaine
Documents utiles
Feuilles topographiques Ign 1/25 000ème : 1219 Ouest Bruz et 1220 Ouest Bain-de-Bretagne.
Feuilles géologiques BRGM 1/50 000ème : Janzé (n°353) et Bain-de-Bretagne (n°388).
Lardeux H. (coordinateur) 1996. Guide géologique de la Bretagne, Masson éditeurs.
Éléments bibliographiques
PLAINE J. & JÉGOUZO P. 2012- Géotourisme en Ille-et-Vilaine, petit guide géologique pour tous, Biotope, Mèze (collection Géotourisme), 96p.
TRAUTMANN F. 1994- Carte géol. France (1/50 000), feuille Janzé (353), Orléans, BRGM. Notice explicative par Trautman F. et al., (1994), 74p.
DADET P. et al. 1987- Carte géol. France (1/50 000), feuille Bain-de-Bretagne (388), Orléans, BRGM. Notice explicative par Herrouin Y. et al., (1989), 82p.
LE CORRE C. 1978- Approche quantitative des processus synschisteux. L’exemple du segment hercynien de Bretagne centrale. Thèse, Rennes, 381p.
PHILIPPOT A. 1950- Les Graptolites du Massif armoricain. Etude stratigraphique et paléontologique. Thèse, Rennes et Mém.Soc.géol.minéral.Bretagne, t.VIII, 295p.
GLÉMAREC L. 1929- Etude de la faune graptolitique des ampélites de Poligné (I.-et-V.). Bull.Soc.géol.minéral.Bretagne, vol.10, p.87-153.