Les discordances infra-paléozoïques de Crozon (29)
samedi 27 septembre 2014: prochaine excursion en presqu'ile de Crozon
« les discordances infra-paléozoïques de Crozon » animée par Jean-René Darboux (Université de Brest, SGMB)
Lieu du RdV: 9h30 sur le parking devant l’église de Telgruc sur Mer
Programme:
2 sites des domaines nord et sud de Crozon sont programmés: Telgruc puis Morgat
caractéristiques sédimentologiques et analyse structurale comparée des terrains du Briovérien et de l’Ordovicien inférieur sur les deux sites suivants:
(i) Telgruc (domaine Crozon Sud)
(ii) Morgat (domaine Crozon Nord)
PS: La mer est basse à 13h26, prévoir comme d'habitude le pique-nique, des bottes ou godasses, etc., de plus le beau temps est au rendez-vous!




Léon (29)
La sortie du 12.06.2010 dans le Léon (Finistère)
La coupe du Conquet et les éclogites du Léon
Sortie animée par M. Michel Ballèvre (Université de Rennes 1) |
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Rendez-vous à la pointe Saint-Mathieu
(commune de Plougonvelin, 20-25 km à l'ouest de Brest, direction le Conquet).
Introduction de la géologie du secteur et départ de l'excursion.
Le domaine du Léon peut être décrit comme un empilement de roches métamorphiques intensément déformées avec au nord les migmatites de Plouguerneau (datées de 330 à 340 Ma), séparées au sud d’un domaine central par la zone de cisaillement de Porspoder-Guissény. Le domaine central apparaît comme un antiforme (Figure 1) plongeant légèrement vers l’Est constitué de la base vers le sommet par les orthogneiss de Plounévez-Lochrist, les paragneiss de Lesneven qui contiennent localement des reliques éclogitiques dans des lentilles de roches mafiques, (le contact entre l’orthogneiss de Plounévez-Lochrist au cœur de l’antiforme, et les paragneiss de Lesneven les recouvrant, est considéré comme un chevauchement ductile, plissé ultérieurement), les micaschistes du Conquet qui sont localement intrudés par des granitoïdes (Pointe des Renards) et présentent localement des roches mafiques, l’orthogneiss de Brest, un granitoïde intrusif dans les schistes protérozoïques de l’Elorn.
Figure 1 : Carte géologique simplifiée du domaine du Léon et coupe associée. 1: micaschistes du Conquet et de Penzé et roches basiques associées, 2: amphibolites de Lannilis, 3: gneiss de Lesneven et noyaux éclogitiques, 4: orthogneiss de Plounévez-Lochrist et Tréglonou, 5: migmatites de Plouguerneau, 6: micaschistes de l'Elorn, 7: orthogneiss de Brest, 8: formations paléozoïques (Dévonien inclus), 9: formations carbonifères (bassin de Morlaix), 10: granites varisques, 11: failles majeures, 12: chevauchements majeurs (d’après Rolet et al., 1994)
En raison d’excellentes conditions d’exposition et de son orientation globalement N-S, la côte entre la Pointe Saint-Mathieu et Kerhornou est le meilleur endroit pour analyser une partie de l’antiforme au niveau de la zone sud du domaine du Léon, les unités tectoniques et leur géométrie y étant bien visibles. D’autre part, la coupe du Conquet donne à voir une portion de croûte continentale.
Arrêt 1: petite crique à 300 mètres au Nord de la Pointe Saint-Mathieu – Gneiss de Brest
Affleure une roche présentant une alternance de lits clairs quartzo-felspathiques et de lits sombres à biotite, litage d’origine métamorphique caractérisant une foliation. Constituée majoritairement de quartz, de feldspath, et de biotite, cette roche métamorphique est un gneiss dont la foliation présente une orientation N70° à pendage de 30° à 40° vers le sud, ainsi qu’une linéation d’étirement à faible plongement (environ 10°) vers l’est.


Figure 2 : la crique près de la Pointe Saint-Mathieu | Figure 3 : l’orthogneiss de Brest à la Pointe Saint-Mathieu
Nature du protolithe
La grande homogénéité de la roche à l’échelle de l’affleurement lui-même situé au sein d’un corps de grande dimension connu depuis Brest (environ 70 km de long pour 3 à 4 km de large), l’absence de structures d’origine sédimentaire, la présence d'enclaves de tailles diverses et notamment de roches plus basiques (de type diorite) allongées parallèlement à la foliation métamorphique témoignent d’une origine orthogneissique (même si on n’y rencontre pas d’yeux de feldspath) (Figure 3), c’est-à-dire d’un ancien granite déformé, plus exactement d’une ancienne granodiorite (Figure 4).
Figure 4 : On distingue sur la photo ci-dessus quelques enclaves plus sombres parallèles à la foliation de la granodiorite.
Âge du protolithe
L’âge de cet orthogneiss a été beaucoup discuté. Les premières mesures de datation absolue donnèrent des âges précambriens par la méthode Rb/Sr avec des résultats proches de 700 Ma (690 ± 40 Ma, Adams, 1967, Rb-Sr sur roche totale). Les événements métamorphiques (mais aussi les percolations de fluide ou l’altération chimique) comptant parmi les perturbations capables de remettre à zéro l’horloge du couple Rb-Sr et constituant donc les limites du système employé, un contrôle de ce résultat par une seconde méthode utilisant un système plus résistant aux perturbations métamorphiques, le couple U/Pb sur des minéraux magmatiques extrêmement résistants les zircons, donna 460 ± 70 Ma (Deutsch et Chauris, 1965), puis quelques années plus tard 466±25 Ma (Cabanis et al., 1979, U-Pb sur zircon par dissolution).
Cependant, les granites étant issus pour une part de la fusion mantellique et pour une autre part de la fusion de la croûte continentale, les populations de zircons granitiques sont d’origine hétérogène et peuvent avoir des âges individuels différents. Il a été montré d’autre part que les zircons sont des assemblages pouvant enregistrer plusieurs événements géologiques, avec dans chaque cristal un cœur ancien et des zones de croissance plus jeunes d’où la nécessité d’une étude de chaque zircon. La nouvelle méthode employée consiste à bombarder la surface du minéral grâce à un faisceau laser qui pulvérise et ionise les éléments ainsi que les isotopes extraits (ionisation ICPMS), ces derniers étant analysés ensuite au spectromètre de masse. Le dernier âge fourni pour l’orthogneiss de Brest stricto sensu est alors de 504 ± 15 Ma soit un âge cambrien moyen (Marcoux et al. 2009). Les autres orthogneiss du Léon, orthogneiss de Guilmilliau, orthogneiss de Landivisiau, eux-mêmes rattachés à celui de Brest, sont aussi datés du cambrien, respectivement à 512 ± 11 Ma et à 529+6,3/-4,3 Ma (Marcoux et al., 2009).
Arrêt 2: Plage de Porz-Liogan
(sur la route touristique entre la Pointe Saint-Mathieu au Sud et le Conquet au Nord)
Figure 5 : la plage de Porz-Liogan | Figure 6 : l’amphibolite de Porz-Liogan
Les micaschistes à grenat et staurotide du Conquet affleurent aux deux extrémités de la plage (Figure 5). Mais au Sud de cette plage affleure une roche métamorphique basique foliée constituée d’alternance de lits très clairs de plagioclase (composés de bytownite ou de labrador) et de lits plus sombres d’amphibole verte (hornblende magnésienne).
Il s’agit d’une amphibolite (lesquelles sont en général à grains plus fins et beaucoup plus sombres) (Figure 6). La foliation est orientée N70° à pendage de 40° vers le sud et la linéation dans la ligne de plus grande pente. Des figures de cisaillement y sont également visibles (Figure 7).
Positionnés sous l’amphibolite, présentant une foliation similaire, des gneiss assez clairs, riches en feldspaths et quartz, très déformés qu’on peut qualifier de leptynites (Figure 8).
Figure 7 : L’amphibolite à plagioclase et amphibole présente des plans de foliation nettement marqués par les minéraux sombres (amphiboles) recoupés par des plans de cisaillement obliques |
Figure 8 : les leptynites de Porz-Liogan |
Figure 9 : Leptynite de Porz-Liogan |
Figure 10 : figures de cisaillement ductile observables parallèlement à la linéation et à la normale du plan de foliation dans les leptynites de Porz-Liogan |
Figure 11 : un ancien filon aplitique fortement plissé (pli anisopaque), dont les charnières de pli ont été épaissies et les flancs amincis et étirés lors de la déformation.
Ces gneiss présentent de petits yeux de feldspath alcalin ainsi que des niveaux quartzitiques (Figure 9). D’autre part, des figures de cisaillement ductile y sont repérables (Figure 10).
Nature des protolithes
Ces niveaux gneissiques pourraient correspondre, soit à des lames orthogneissiques (cf. gneiss de Brest), soit à la présence de dépôts volcano-sédimentaires acides de type rhyolitique intégrés dans les micaschistes. Cette dernière hypothèse est appuyée par la présence de cristaux de feldspath potassique ainsi que de niveaux quartzitiques très fortement plissés et devenus sub-parallèles à la foliation (Figure 11), pouvant correspondre à d’anciens filons à l’intérieur de coulées et de projections acides. Ces niveaux sont considérés comme des méta-rhyolites.
Les amphibolites peuvent correspondre à d’anciens basaltes, gabbros ou dolérites, or, ici la taille des lits fait plutôt penser à un méta-gabbro issu d’un ancien cumulat dont la richesse en plagioclase a amené Chauris à le considérer comme une méta-anorthosite (Chauris et Hallégouët, 1996).
Les dernières études publiées donnent un âge ordovicien à 478 ± 4 Ma à ce méta-gabbro (Faure et al., 2010, datation sur zircons, méthode LA-ICPMS).
Contexte géodynamique
Ces roches mafiques situées au sein du groupe des micaschistes du Conquet et des micaschistes de Penzé (Figure 1), ainsi que les gneiss et éclogites du Léon ont été interprétées comme des reliques d’une suture ophiolitique d’un océan du Conquet séparant le Léon et les domaines Nord et Centre Armoricains (Rolet et al., 1994 ; Faure et al., 2005). Aucune donnée géochimique actuelle ne permet cependant d’établir que ces méta-gabbros sont de type MORB. La présence d’un éventuel cumulat basique au sein des micaschistes impliquant alors l’existence d’une chambre magmatique de grande dimension, l’hypothèse de travail devient difficilement conciliable avec la faible épaisseur de la couche de méta-gabbro intercalée dans des roches orthodérivées très acides. Datées elles aussi à 480 Ma, de telles associations sont retrouvées aussi bien dans les Landes de Lanvaux que dans les orthogneiss du domaine sud-armoricain ce qui amène à formuler deux hypothèses : soit il s’agit d’un magmatisme calco-alcalin lié au fonctionnement d’une zone de subduction, soit il s’agit un magmatisme alcalin ou hyperalcalin associé à un rift (comme ce que l’on trouve dans le rif Est-africain, le fossé rhénan, la Limagne) lié à la dislocation d’un super-continent le Gondwana.
Arrêt 3: la plage de Portez (au Sud du port du Conquet)
Les micaschistes du Conquet
Les micaschistes du Conquet peuvent également y être observés facilement (Figures 12 et 13 ). Ils présentent de la muscovite, de la biotite, du quartz, un peu d'albite-oligoclase, et sont surtout caractérisés par la présence du grenat almandin et de la staurotide. Ces micaschistes ont pour protolithe des sédiments argileux (ou pélites) et sont donc pour cela qualifiés de méta-pélites.
Les grenats de belle teinte rouge, sont de grande taille, ils dépassent souvent 1 cm de diamètre ; les cristaux de staurotide forment de petites baguettes sombres brunâtres de 1 à 3 cm (Figure 14). Grenat et staurotide sont particulièrement abondants dans certains niveaux (Figure 15).
En effet l’alternance de bandes ± verticales soit nettement plus brillantes et plus riches en grenat et staurotide, soit plus sombres (pélitiques), témoignent de l’ancienne stratification sédimentaire caractérisée par l’alternance de niveaux plus argileux d’autres plus gréseux. Grenat et staurotide se développent préférentiellement dans les niveaux pélitiques.
Figure 12 : La plage de Portez |
Figure 13 : les micaschistes du Conquet à la plage de Portez |
Figure 14 : détail d’un micaschiste où grenat, staurotide, et muscovite sont bien visibles |
Figure 15 : richesse en grenats et en staurotides dans les anciens niveaux plus argileux |
Figure 16 : la seconde déformation est visible à la surface du plan de foliation des micaschistes ainsi que les différences entre les niveaux pélitiques et semi-pélitiques.
Cette ancienne stratification sédimentaire permet d’identifier un plissement de la série dont l’axe du pli est parallèle au plan de schistosité (schistosité de plan axial) et de même orientation que la linéation d’étirement. Les plis ne sont visibles qu’en haut des rochers, en regardant vers le sud.On distingue aussi de petits plis à charnière anguleuse (appelés des "kinks") recoupant la schistosité et sans recristallisation associée caractérisant un épisode de déformation postérieur à la schistosité et de faible intensité (Figure 16).
De nombreuses veines de pegmatites recoupent les micaschistes témoignant de leur caractère intrusif postérieur.
Les paragenèses minérales ont permis de contraindre les conditions de pression et de température du paroxysme du métamorphisme soient T = 600 ± 50°C et P comprise entre 4 et 8 kb (correspondant à des profondeurs comprises entre 12 et 25 km). Le faciès métamorphique est celui des amphibolites. Il a été montré à l’aide de la microsonde électronique que les grenats changent de composition au cours de leur croissance, en particulier que la concentration en manganèse augmente du cœur vers la périphérie, traduisant une élévation de pression et de température lors du métamorphisme. L’âge fourni pour le métamorphisme est de 338 ± 5 Ma (Faure et al., 2010).
L’histoire des micaschistes du Conquet commence donc par un dépôt de formations sédimentaires argileuses à argilo-gréseuses, précédant un enfouissement et un plissement où l’augmentation de pression et de température est responsable du métamorphisme et donc de la première déformation, puis l’exhumation et le refroidissement au cours desquels a lieu la seconde déformation.
Granodiorite de la pointe des Renards
Dans la partie sud de la plage de Portez, de gros blocs accumulés en bas de la falaise sont bien visibles (Figures 17 à 20). Ils proviennent de la pointe des Renards (sous l’antenne) et reposent sur une roche métamorphique dont la foliation présente un assez fort pendage.
Figure 17 : Plage du Portez côté sud, pointe des Renards |
Figure 18 : Blocs de granodiorite en bas de la falaise |
Figure 19 : Enclaves de quartz et d’encaissant métamorphique dans un bloc de granodiorite |
Figure 20 : Filon aplitique dans un bloc de granodiorite. On distingue aussi des enclaves sombres basiques |
Ces blocs permettent d’examiner dans des conditions d'accès plus aisés la granodiorite de la pointe des Renards. Cette roche grenue à grain fin, de couleur assez sombre, non foliée, est constituée de quartz, feldspath potassique et biotite et est recoupée par des filons aplitiques (Figure 20). Elle renferme de très nombreuses enclaves qui sont généralement : des nodules de quartz, des enclaves de roches sombres à biotite (enclaves surmicacées) et des enclaves de diverses roches métamorphiques (xénolithes) appartenant aux formations de l’encaissant (Figures 19 et 20).
La roche sur laquelle reposent les blocs a la même composition, on y retrouve les mêmes minéraux mais marquant une foliation métamorphique très nette, ainsi que les enclaves et les filons tout aussi intensément déformés. On observe une augmentation graduelle de la déformation de la pointe des Renards vers le nord de la plage (on pourrait aussi voir cette augmentation vers le sud), ce qui peut être interprété comme une lentille ou une lame de granodiorite dont seul le cœur reste non déformé.
Figure 21 : La granodiorite a une foliation d’orientation similaire à celle des micaschistes du Conquet. La déformation a affecté les filons qui sont devenus parallèles à la foliation |
Figure 22 : La déformation de la granodiorite et de ses enclaves apparaît ici bien visible |
Âge de la granodiorite
Le premier âge de 640 Ma qui a été fourni par une équipe anglaise en utilisant la méthode Rb/Sr est donc précambrien. Cet âge est remis en cause pour les raisons évoquées précédemment. On peut considérer que la granodiorite est intrusive et a un âge relatif postérieur aux micaschistes et au métamorphisme régional compte tenu de son absence de foliation. Cependant il a pu être démontré que des lentilles pouvaient présenter un cœur non déformé et être pourtant antérieures au métamorphisme, le cœur de la lentille résistant davantage à la déformation que les bordures notamment parce que ces dernières réagissent en présence d’eau. C’est vraisemblablement le cas ici. Il serait intéressant d’étudier les différentes populations de zircon et de monazite (minéraux riches en uranium et plomb) de cet affleurement pour à la fois résoudre ce problème de datation mais aussi pour étudier les problèmes de diffusion des éléments au sein de ces minéraux lors du métamorphisme.
Arrêt 4: Ploumoguer – Plage de Kerhornou - accès Sud
(à la sortie du Conquet, prendre direction Brest puis Ploumoguer)
La plage de Kerhornou se trouve légèrement au sud du contact du massif granitique de Saint-Renan-Kersaint près de la pointe de Corsen (Figure 23).
La falaise et les rochers allant jusqu’à la plage permettent de voir affleurer une roche métamorphique foliée constituée par l’alternance de niveaux plus clairs quartzo-felspathiques et de niveaux plus sombres à biotite et muscovite (Figure 24).
Figure 23 : Plage de Kerhornou |
Figure 24 : Paragneiss migmatitique de la plage de Kerhornou |
Figure 25 : Paragneiss migmatitique |
Figure 26 : lentille de sillimanite (fibrolite) dans les paragneiss |
Il s’agit d’un gneiss dont la foliation est orientée N60° à pendage sud. Il s’agit d’un paragneiss présentant des variations de composition minéralogique d’origine sédimentaire (Figures 25 et 26). C'est l'équivalent des gneiss et micaschistes de Lesneven, ceux qui jouxtent l'orthogneiss de Tréglonou (Outin et al., 2000).
On peut distinguer dans les niveaux moins riches en quartz et feldspath des lentilles aplaties de tailles diverses d’un minéral blanchâtre fibreux et lamellaire, à aspect nacré, la sillimanite (fibrolite). Ce gisement a peut-être fourni le matériau des plus anciennes haches néolithiques mises au jour dans l'Ouest de la France. La hache polie est l'objet emblématique du Néolithique, la plupart des haches polies en fibrolite ont surtout une grande valeur symbolique et esthétique, ce sont des instruments de prestige (retrouvées dans les monuments funéraires) (Giot et Cogné, 1952; Giot et al.,1998).
D’autre part peuvent être observées des figures de fusion partielle avec des néosomes constitués de cristaux de quartz et feldspath bien cristallisés et sans orientation particulière avec des bordures enrichies en minéraux sombres (biotite) formant des mélanosomes, le reste de la roche n’ayant pas fondu étant appelé mérosome. Ce sont donc des paragneiss migmatitiques dont la foliation apparaît très irrégulière (Figures 27 et 28).
Figure 27 : Fusion partielle dans les paragneiss. Leucosomes et mélanosomes visibles en haut de la photo
Figure 28 : Coexistence de paléosomes (au centre) avec des niveaux issus de la fusion (à gauche) dans les paragneiss migmatitiques de Kerhornou |
Figure 29 : filon d’aplite plus clair (à droite) recoupant en partie les paragneiss migmatitiques (à gauche) |
La fusion partielle et la formation de sillimanite, peuvent être expliquées à partir d’une réaction métamorphique bien connue dans les séries pélitiques lorsque la température et la pression augmentent : muscovite + quartz = silicate d’alumine (Al2SiO5) + Feldspath potassique + eau.
Un mélange contenant globalement 1/3 de quartz, 1/3 de feldspath potassique et 1/3 de plagioclase présente un point de fusion déjà très nettement en dessous des points de fusion respectifs de chaque minéral, car il est situé à proximité du point eutectique dans le système quartz-albite-orthose. Cette réaction génère l’eau nécessaire à l’abaissement de ce point de fusion. En revanche, les minéraux comme la biotite y sont réfractaires et s’accumulent de part et d’autre du liquide en formant le mélanosome.
En l’absence de migration du liquide anatectique, le refroidissement lent de la roche peut permettre la cristallisation sur place de nouvelles muscovites. La quantité de liquide granitique extrait pourrait d’ailleurs être estimée à partir des bilans massiques de sillimanite et de muscovite néoformées.
Par rapport aux micaschistes du Conquet à grenat et staurotide, les gneiss de Kehornou enregistrent une nette croissance de l’intensité du métamorphisme du Sud vers le Nord. En effet, les paragenèses minérales du Sud vers le Nord montrent à la fois une disparition progressive de la staurotide et l’apparition de la sillimanite (celle-ci a été déjà observée en lame mince à partir de l’arrêt n°3 ). Le report des isogrades de la biotite, de la staurotide et de la sillimanite sur la carte montre effectivement une augmentation du degré métamorphique du sud-est vers les nord-ouest, c’est-à-dire au niveau de l’antiforme, du sommet vers la base.
On assiste ainsi à une augmentation de 200°C sur près de 10 km, le long de la coupe réalisée entre la pointe Saint-Mathieu et Kerhornou, ce qui, compte tenu du pendage des formations, correspond à une épaisseur de roches d’environ 7 km. Le gradient géothermique calculé ici est de l’ordre de 30°C/km, caractéristique d’une croûte continentale.
Les migmatites sont très nettement recoupées par endroits par des filons de pegmatite et d’aplite, lesquels leurs sont postérieurs. Par contre, un grand filon d’aplite à quelques mètres de l’entrée de la plage montre un contact très ondulé et non sécant dans les migmatites, cette génération de filons se formant alors que les migmatites restent encore très chaudes et ductiles (Figure 29). La chronologie relative montre qu’il y a au moins deux générations de filons, les uns plus anciens et sécants, les autres quasiment contemporains.
L’origine des filons est vraisemblablement liée au massif granitique de Saint-Renan – Kersaint qui affleure un peu plus au nord, lui-même intrusif dans l’antiforme. Le granite de Saint-Renan, d’âge carbonifère, a été daté à 321±5 Ma, et, bien que non visible à Kerhornou, se trouve sous les paragneiss migmatitiques qui lui sont contemporains à 325 ± 5 Ma (Faure et al., 2010, U-Pb sur monazite). Le granite de Kersaint, situé plus à l’est, est un peu plus ancien à 331 ± 4 Ma (Marcoux et al., 2009). Le granite de Saint-Renan s’est mis en place tardivement au cours du fonctionnement de la zone de cisaillement dextre Nord-Armoricaine au cours de l’orogenèse varisque (Goré et Le Corre, 1987),
Arrêt 5: Eclogites de Plounévez-Lochrist
(quelques centaines de mètres avant le bourg sur la route de Lesneven – près du garage automobile)
Les éclogites de Plounévez-Lochrist ont été pour la première fois décrites par Lacroix (Lacroix, 1891) mais il a fallu plusieurs décennies avant que ces observations soient réutilisées (Chauris, 1990; Cabanis et Godard, 1987; Godard et Mabit, 1998). Elles affleurent localement sous forme de lentilles de faibles dimensions dans les paragneiss de Lesneven (dans la zone à sillimanite), qui en constituent l’encaissant (Figure 31).
Les éclogites sont ici de deux types : les unes magnésiennes présentant une anomalie positive en Europium, considérées comme d’anciens cumulats gabroïques, les autres ferro-titanées à grenat et omphacite, dont les minéraux accessoires sont le quartz, le rutile. Cette association peut correspondre à une série de différenciation tholéitique. Elles sont souvent très sombres car amphibolitisées. Leur composition minérale et leur densité expliquent la grande dureté de la roche dont parle Chauris (1990) dans un article sur Saint-Hervé et les éclogites de Plounévez-Lochrist.
Figure 30 : Entrée de Plounévez-Lochrist |
Figure 31 : Eclogite de Plounévez-Lochrist. On distingue sur la partie fraîche des grenats rouge-foncés, des pyroxènes verdâtres et des amphiboles sombres. |
Les éclogites sont des roches témoins d’un premier métamorphisme HP-BT lors de l’enfouissement profond de roches basiques au cours d’une subduction. Leur présence en lentilles dans des paragneiss à sillimanite montre qu’elles ont subi un second métamorphisme MP-MT. L’augmentation des conditions de température aurait du les transformer en amphibolites après rééquilibration, néanmoins, certaines lentilles ont pu conserver en partie leur composition éclogitique en l’absence d’eau et développer seulement des lamelles microscopiques de minéraux symplectitiques de rétromorphose, en raison d’une faible vitesse de diffusion des éléments, comme la sapphirine (Godard et Mabit, 1998). Les reliques du métamorphisme HP ont été datées par Paquette à 440 Ma (Paquette et al., 1987, U-Pb sur zircon) mais cet âge silurien reste discuté.
Plusieurs hypothèses peuvent être formulées pour expliquer l’association de roches sédimentaires continentales métamorphisées, les paragneiss, et les roches océaniques témoins de la subduction, les éclogites. La première est celle d’un mélange des deux formations de deux unités différentes lors de la subduction (le long d’un chevauchement par exemple), dans la seconde l’encaissant entrainé dans la subduction à la suite des éclogites subit la même histoire métamorphique, l’exhumation faisant apparaître des différences.
Bilan : interprétations tectoniques du domaine du Léon
La position du domaine du Léon dans le Massif Armoricain reste encore aujourd’hui en partie énigmatique et peut être interprétée selon plusieurs hypothèses assez différentes.
1- La première, actuellement écartée, est celle d’un fragment de la chaîne cadomienne, associé au domaine Domnonéen, à savoir un socle métamorphique précambrien autochtone recouvert de terrains principalement paléozoïques (Cogné, 1974). Parmi les arguments qui allaient dans ce sens, on peut citer la datation Rb-Sr de 1967 (Adams, 1967) de l’orthogneiss de Brest à 690 Ma, mais aussi les observations de Barrois annonçant les orthogneiss de Tréglonou et Plounévez-Lochrist, comme Pentévriens (Barrois, 1902), les micaschistes de Lesneven comme briovériens. Des observations stratigraphiques venaient l’appuyer à savoir l’existence d’une série paléozoïque au sud du Léon reposant sur une série métamorphique plus ancienne, et les schistes de l’Elorn recouverts en discordance par le grès armoricain (Chauris et Hallégouet, 1996).
2- Les autres hypothèses tiennent compte de datations et d’observations plus récentes. Elles sont pour simplifier au nombre de deux:
2a- La première fait du domaine du Léon une partie du domaine Sud-Armoricain, déplacé tardivement au Dévonien, de 300 km au Nord-Est le long d’un cisaillement dextre associé à la fermeture de l’océan Lizard (Balé et Brun, 1986). Elle repose sur la similarité des âges des protolithes et des évolutions tectoniques et thermiques des éclogites notamment.
2b- La seconde fait du domaine du Léon un équivalent de la ride cristalline de l’Allemagne moyenne (en raison de fortes analogies avec les massifs de l’Odenwald et du Spessart) au sein d’un grand domaine appelé Saxo-Thuringien. Parmi les arguments exposés, l’existence d’antiformes présentant un métamorphisme d’intensité similaire dont le gradient augmentant de la base au sommet (Schneider, 1962 ; Weber, 1995), ainsi que la découverte, également, assez récente, d’éclogites fortement rétromorphosées dans les gneiss d’Odenwald et dont les âges obtenus par la méthode Lu-Hf sont de 350-360 Ma (Will et Schmädicke, 2001). Le Léon apparaît donc comme une entité à part dans le Massif Armoricain (Figure 32).
Parmi les arguments qui permettent de distinguer le domaine sud-armoricain du domaine du Léon, et qui plaident en faveur de la seconde hypothèse, la datation du protolithe de l’orthogneiss de Plounévez-Lochrist aux alentours de 390-400 Ma (Cabanis et al., 1979 ; Chauris et al., 1998) en fait le seul orthogneiss connu de cet âge dans le massif armoricain, alors que des âges similaires ont été retrouvés dans la ride cristalline de l’Allemagne moyenne. Ces orthogneiss sont interprétés comme l’enregistrement d’un magmatisme d’arc fin Silurien, début Dévonien associé à la subduction de l’océan Rhéique séparant le continent Avalonia au Nord du continent Gondwana au Sud (Figure 33).
Texte: P. Rétif
Clichés: P. Rétif, D. Guérin
Documents utiles : Cartes géologiques et guides
Chauris L., Hallégouet B., 1989. Carte géologique de France à 1/50.000 et notice explicative, feuille Le Conquet, BRGM, Orléans, 69 p.
Chauris L., Marcoux E., Le Goff E., Thiéblement D., Carn A., 1998. Carte géologique de France à 1/50.000 et notice explicative, feuille Saint-Pol de Léon, BRGM, Orléans, 167 p.
Chauris L., Hallégouët B., 1996. Iitinéraire 4 : le pays de Léon de Brest à Morlaix in Guide géologique de la Bretagne, 3ème édition, Masson, 57-68.
Lardeux et al. , 1996. Guide géologique de la Bretagne, 3ème édition, Masson, 223 p.
Marcoux E., Chauris L., Hallégouët B., Guennoc P., Thiéblemont D., avec la collaboration de Guerrot C., Cocherie A., Marec A., Marteau P., 2004. Notice explicative de la feuille Plouguerneau à 1/50.000. BRGM, Service géologique national, Orléans, 144 p.
Outin J.M., Thomas E., Hallégouët B., Queté Y., Le Goffic M., Rivière J.M., Ballèvre M., 2000. Notice explicative, carte géologique de la France (1:50.000), feuille Plabennec (238), BRGM, Orléans, 109 p.
Orientation bibliographique :
Adams C. J. D., 1967. A geochronological and related isotopic study of rocks from North-Western France and the Channel Island (United Kingdom).Thèse Université d'Oxford, UK, 257 p.
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Basse-Vilaine (56)
La sortie du 12.09.2009 en Basse-Vilaine
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Pointe de Pen Lan en Billiers: introduction de la géologie du secteur et départ de l'excursion.
Texte: P. Jégouzo
Clichés: T Aïfa, D. Guérin
Baie de St Brieuc (22)
La sortie du 18.10.2009 en baie de Saint Brieuc (Côtes d'Armor)
Géologie et patrimoine géologique de la réserve naturelle nationale de la baie de Saint Brieuc
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Arrêt 1: Poudingues de Cesson







Arrêt 2: l’Hôtellerie

















Arrêt 3: l’anse de Lermot






Arrêt 4: St-Maurice et l’estuaire du Gouessant


Arrêt 5: Jospinet
Voici en arrivant sur le site comment apparaît le contact Briovérien d’Erquy (roches sombres à gauche) et la trondhjémite (niveau clair tout à fait à droite).
Nous essayons de reconnaître les formations sur lesquelles Jean Cogné s’est basé pour définir le Pentévrien. Ce qu’il a décrit comme étant à l’origine une arène nous paraît plutôt avoir été dès le début une brèche et les arénites présentes dans le niveau « basal psammite » de Roach ne sont pas très convaincantes pour Pierre Jegouzo.
Arrêt 6: Port Morvan


Texte: M. Guillaume
Clichés: D. Guérin
Bancs de la baie du Mont Saint-Michel (35 & 50)
La sortie du 21 Mars 2009 en Baie du Mont St Michel (Ille & Vilaine, Manche)
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Les Cordons coquilliers de la Baie du Mont Saint-Michel
Dans la partie occidentale de la baie du Mont-Saint-Michel entre Saint-Meloir-des-Ondes et Cherrueix (Ille-et-Vilaine), sur son domaine public maritime, se trouve un système morpho-sédimentaire original marqué par la présence de cordons coquilliers alignés parallèlement au trait de côte. Ils représentent une des spécificités géomorphologiques de la baie du Mont-Saint-Michel et sont reconnus comme les plus importants de France. Du fait de leur présence et de leur rôle induit de barrière littorale, les bancs coquilliers sont à la base d’un système complexe où s’alternent de nombreux habitats végétalisés caractéristiques des fonds de baie et des rivages estuariens. En arrière, des dispositifs lagunaires, fonctionnels uniquement à pleine mer en période de vives eaux, s'individualisent localement et peuvent présenter des végétations aquatiques d’eaux salées et des habitats de dépressions humides. L’ensemble de ces éléments morpho-sédimentaires permet l’expression de nombreux cortèges floristiques, et ce, de manière souvent très imbriquée.
Un système complexe et dynamique
La présence de cordons coquilliers sur le haut estran est liée principalement à l’action des houles qui se surimpose à l’action prédominante des courants de marée qui règlent la répartition des faciès sédimentaires dans la baie. Comme le montre la figure 2, dans la partie occidentale de la baie du Mont-Saint-Michel, les houles de Nord-Ouest pivotent autour de la pointe du Grouin de Cancale et atteignent seulement le rivage Sud de la baie compris entre Vildé-la-Marine et La Chapelle Sainte-Anne. Le déferlement des vagues provoque un affouillement du substrat vaseux et sablo-vaseux permettant de dégager et de mobiliser en surface les coquilles de bivalves présentes au niveau du bas et du moyen estran. Le matériel carbonaté, moins dense que le sédiment alumino-silicaté environnant mis en place par la marée, migre progressivement vers le haut estran où il forme des accumulations de sables bioclastiques. La morphologie générale des bancs se caractérise par une dissymétrie entre le versant interne à forte pente vers le rivage et le versant externe en pente douce vers la mer (Caline, 1982). Plusieurs types morphologiques de bancs coquilliers peuvent être distingués en fonction de leur position sur l’estran (Bonnot-Courtois et al., 2002):
- Les bancs sableux d’estran (type C) très peu épais et d’une longueur moyenne de 100 mètres. Ils sont constitués de sables et de quelques coquilles entières et se déplacent de 10 mètres par an.
- Les bancs de haute slikke (type B) en bordure d’herbus (= schorre) (hauteur moyenne de 1,8 mètre et longueur moyenne de 300 mètres) qui se déplacent de moins d’1 mètre par an.
Ces bancs sont constitués d’un mélange de sables et de coquilles et présentent une pente douce vers la mer et plus abrupte vers la digue. Ils isolent généralement en arrière une dépression lagunaire.
- Les bancs de schorre (type A) proches des digues, stables (moins de 50 cm par an) et recouverts par une végétation halophile de fond de baie. Ces bancs sont essentiellement formés de coquilles entières.
La dynamique de ces bancs dépend de leur position sur l’estran : les bancs sableux qui sont en formation sur le bas et moyen estran sont fréquemment remaniés par les houles et migrent vers le haut estran à des vitesses de plusieurs dizaines de mètres par an. Lorsqu’ils atteignent les vasières du haut estran, colonisées par la végétation halophile, ils s’enrichissent en coquilles entières et prennent de l’amplitude. Leur migration vers le trait de côte se ralentit, avec des vitesses de déplacement de l’ordre de quelques mètres par an, car ils ne sont plus atteints que par les grandes marées. Ils forment alors une barrière littorale discontinue pouvant atteindre 2 mètres d’épaisseur et isolent, en arrière d’eaux, des milieux lagunaires à sédimentation très fine. A ce stade, les bancs coquilliers ne peuvent être remaniés et ne peuvent migrer sur le schorre qu’à la faveur de tempêtes conjuguées avec des pleines mers de vive-eau. Ces bancs sont donc relativement stables et des végétations pionnières peuvent coloniser leurs flancs. Ils peuvent être fragmentés en plus petites unités et être progressivement aplanis et incorporés à l’intérieur du schorre. Ils sont ensuite couverts d’une végétation littorale caractéristique (flore halophile et dunaire). Les cordons les plus anciens, situés plus près des digues sont totalement intégrés au schorre où ils sont colonisés par une végétation caractéristique de prés salés. Les cartographies successives de l’estran établies entre le Vivier-sur-Mer et Cherrueix témoignent de la rapidité de l’évolution géomorphologique des bancs coquilliers. La dynamique sédimentaire peut-être particulièrement active au niveau de la haute slikke et remodeler les bancs qui viennent buter contre la bordure de schorre. A titre d’exemple, la cartographie des bancs du Vivier-sur-Mer entre 1993 et 2001 montre que ces derniers se sont étalés sur le bas-schorre, perdant ainsi de l’altitude et voyant leur épaisseur diminuer (Bonnot-Courtois et Dréau, 2001).
Les enjeux de conservation
Le développement des cordons coquilliers dans la partie occidentale de la baie du Mont-Saint-Michel présente un intérêt remarquable par l’amplitude de leur extension (verticale et horizontale) et l’originalité de ces accumulations sédimentaires carbonatées sur le littoral français. De plus, ces environnements sédimentaires portent, sur des espaces relativement restreints, une grande diversité d’habitats caractérisée par des espèces à très forte valeur patrimoniale. Ces formations originales présentent donc des enjeux écologiques marqués, reconnus au titre du réseau Natura 2000, la baie du Mont-Saint-Michel étant concernée tant par la directive « Habitats-Faune-Flore » que par la directive « Oiseaux ».
Les enjeux de conservation dans ce secteur concernent essentiellement le maintien de la fonctionnalité naturelle de ces milieux, de leur originalité géomorphologique et de leur richesse patrimoniale. Pour ce faire, la dynamique naturelle d’évolution des cordons ne doit donc pas être perturbée (Mary et Vial, 2009).
Clichés: P. Jégouzo, M. Jonin
Ce compte-rendu est une reproduction d'extraits de l’article « Les cordons coquilliers de la Baie du Mont-Saint-Michel : un système original à préserver » de Mickaël Mary,Thibaut Thierry, Loïc Delassus et Chantal Bonnot-Courtois, Erica, 22, avril 2009.