Moyenne Vilaine (35)
La sortie du 28 septembre 2013 en Moyenne Vilaine
Voyage en Moyenne Vilaine
Sortie animée par Jean Plaine, Université de Rennes 1
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Cette sortie s’inscrit dans la foulée de la parution de « Géotourisme en Ille-et-Vilaine ». Elle vise à faire découvrir certains des sites qui sont présentés dans cet ouvrage, plus particulièrement ceux qui sont proposés dans les synclinaux paléozoïques du sud de Rennes, entre Semnon et Vilaine.
Le parcours et les arrêts (fig.1)
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Fig.1 - Le parcours avec situation des arrêts.
Arrêt n°1 – Le Tertre Gris (Poligné-Pancé)
La route qui relie Poligné à Pancé (D 47) est tracée au sommet d’une butte topographique au pied sud de laquelle coule le Semnon, affluent de la Vilaine, qui y dessine une large boucle dans des terrains plus tendres. C’est le Tertre Gris qui doit vraisemblablement son nom à une transformation de « Tertre Christ », même si une des variétés de roches qui le constitue est effectivement de couleur grise.
Un peu avant Pancé, une éclaircie dans la forêt signale la présence d’un large belvédère. Dans le cadre de l’aménagement d’un sentier d’interprétation dans le Tertre, un pupitre (fig.2) y a été mis en place donnant une description globale du paysage vers le sud et proposant sous forme de trappes à ouvrir, différentes lectures de ce paysage à la lumière de différentes branches d’activité (agriculteur, géographe, géologue….). Ce site et le sentier de découvertes ont été inaugurés le 16 septembre 2006.
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Fig.2 - Le pupitre d'interprétation au Belvédère
A pied, aller vers Poligné et après une centaine de mètres prendre le sentier qui descend à gauche (balisage) (fig.3).
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Fig.3 - Direction le "volcan"
Aussitôt on rencontre la roche qui constitue l’ossature du Tertre Gris, à savoir un grès blanchâtre parcouru de nombreuses veines de quartz blanc. Il s’agit du sédiment le plus récent de la région, daté du Silurien, et qui se range dans la Formation de Poligné présente au cœur d’une petite unité synclinale. Un peu plus loin, on trouve une petite zone d’extraction dans laquelle les couches pluridécimétriques de grès sont subverticales.
Après plusieurs centaines de mètres de parcours au long duquel le grès est toujours présent, le sentier rejoint l’Allée du Volcan que l’on prend à gauche pour rejoindre une plateforme puis un escalier qui descend vers le « Volcan ».
Le pseudo-volcan
On découvre alors, sur la gauche, des affleurements de mauvaise qualité d’une roche sédimentaire noire qui constitue la seconde variété de roches observables dans le Tertre (fig.4 & 5).
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A la fin du 18ème siècle, un docte personnage, le professeur Danthon, crut lire dans ces couches de roches noires qui affleurent assez largement sur le Tertre Gris les manifestations d’un volcanisme. La légende était née, confortée plus tard par les fumerolles qui de temps à autre s’échappaient du sol (fig.12) et qui évoquaient, avec beaucoup d’imagination (« géopoésie »), un volcan italien !
En réalité ces roches sont des ampélites (du grec ampelos, vigne), sédiments argileux et siliceux, riches en matière carbonée et en sulfures, tachant les doigts, qui ont été un temps exploités comme abrasif sous le nom de tripoli et comme colorant pour griser les phosphates blancs du Maroc. Elles étaient également susceptibles d’entrer spontanément en combustion au contact de l’air en dégageant une chaleur intense. La roche se colore alors en rouge comme on peut aujourd’hui le voir à proximité de l’ancienne zone d’extraction qui fait office de « cratère » (fig.6).
![]() Fig.6 – Le « volcan » : ampélites et grès de Poligné. |
Fig.7 – Discussion devant le « volcan ». |
Alors que les grès ne le sont pas, les ampélites sont fossilifères, renfermant de nombreuses espèces de graptolites (du grec graphein, écrire), plancton marin organisé en colonies, dont on repère l’empreinte blanche sur les plaquettes de roche noire. Ces organismes permettent de placer les sédiments du Tertre Gris dans le Silurien, autour de 435 millions d’années.
Le milieu de dépôt de ces roches est particulier dans l’histoire sédimentaire paléozoïque puisqu’il correspond à un milieu marin éloigné des influences océaniques dans lequel l’absence de circulation verticale empêchait l’oxygénation de l’eau et facilitait la conservation de la matière organique accumulée sur le fond.
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Photo prise au moment de la combustion spontanée des ampélites vers 1920. |
Descendre jusqu’au Semnon. Prendre le chemin sur la gauche, passer devant « le souterrain », trou de recherche pour l’ampélite, d’anciennes carrières puis remonter vers Pancé.
Le pierrier
Un peu plus loin apparaît sur la gauche un puissant éboulis de blocs de grès de la Formation de Poligné qui forme une tache claire dans le paysage car la végétation a du mal à s’installer sur ces éléments instables (fig.8 & 9). Cet ensemble de blocs a longtemps été compris comme les rebuts d’une zone d’exploitation située en amont mais il semble qu’il s’agisse plutôt d’un pierrier ou éboulis de pente appartenant aux formations périglaciaires. Résultant de l’éclatement de la roche sous l’action répétée du gel et du dégel il s’est formé durant les épisodes froids du quaternaire qui se sont succédés depuis plusieurs centaines de milliers d’années.
![]() Fig.8 – Le pierrier. |
![]() Fig.9 – Exploration au pied du pierrier. |
Ce type de pierrier, appelé pierrier de plaine, qui existe ça et là sur les derniers reliefs de la chaîne varisque, est assez commun en Basse Normandie [ex : la Vallée de Misère dans les Alpes mancelles], mais par contre semble peu répandu, ou du moins méconnu, en Bretagne. Signalons cependant ceux de la Butte de Malvran en Saint-Aignan (56) et de Lan Vojo en Saint-Gelven (22).
Les blocs anguleux de grès de Poligné apparaissent granoclassés, les plus volumineux se trouvant à la partie inférieure du pierrier, la taille décroissant plus on monte sur la pente. Comme partout, ils montrent de nombreuses veines de quartz (fig.10&11), parfois rectilignes, parfois moins organisées ainsi que de nombreuses fentes, parfois en échelon, toujours remplies de quartz blanc laiteux.
![]() Fig.10 – Bloc de grès de Poligné veiné de quartz. |
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Partant à l’est le chemin monte vers Pancé et rejoint la route Pancé-Poligné. Partir à gauche pour rejoindre le Belvédère.
Reprendre le véhicule pour rejoindre Poligné. Aller à gauche pour descendre vers le Semnon. Rejoindre l’ancienne « route de Nantes », franchir le Semnon et un peu plus loin, dans le hameau du Châtellier, prendre à droite (D 84) en direction de Pléchâtel.
Dans le bourg, rejoindre le cimetière. À pied, le contourner par la droite pour emprunter un sentier qui mène au chemin de la Levée.
Arrêt n°2 – la Levée (Pléchâtel)
Les schistes sont partout autour de Saint-Senoux et Pléchâtel, là où la Vilaine dessine un coude après avoir reçu le Semnon comme affluent. Elle entame profondément ces roches, laissant sur sa rive gauche de hautes falaises qui permettent leur approche sédimentologique. C’est dans ce contexte morphologique qu’au début du 19ème siècle, suite sans doute à l’installation dans le bourg d’une maison des sœurs de la Charité de Saint-Louis, et par la volonté d’un curé soucieux de donner du travail à des indigents ont été creusées les grottes religieuses de la Levée, reliées par un curieux chemin taillé à même la roche (fig.13,14&17) et surmontées de chapelles votives (fig.16&18).
![]() Fig.13 – Le sentier de la Levée est taillé dans les schistes. |
Fig.14 – Le sentier de la Levée surplombe la Vilaine. |
Fig.15 – Un aménagement bienvenu. |
Fig.17 – Le sentier permet d’accéder aux schistes. |
Fig.16 – Devant une grotte religieuse. |
Fig.18 – Une des chapelles votives du site. |
Fig.19 – Le socle d’une des statues est composé de roches variées. |
Cet aménagement qui a aujourd’hui perdu de sa superbe, offre un magnifique panorama sur le fleuve (fig.20), l’embouchure du Semnon, Bourg-des-Comptes et le château de la Molière au nord ainsi que sur les reliefs boisés qui dominent à l’ouest Saint-Senoux et Saint-Malo-de-Phily.
Fig.20 – Vue au nord sur la Vilaine. |
La roche est une masse relativement homogène de schistes bleu-noir sensiblement gréseux qui appartiennent à la partie supérieure de la formation ordovicienne de Traveusot. Il est bien difficile d’y trouver la structure de dépôt, la stratification, qui est ici faiblement inclinée vers l’est, car elle est largement oblitérée par la schistosité varisque et dont les plans ont pratiquement le même pendage. Ces sédiments, en dehors de montrer quelques petits bancs lenticulaires gréseux, sont riches en nodules qui s’avèrent souvent fossilifères.
Dans des gisements proches, le contenu paléontologique apparaît très riche, constitué des célèbres trilobites, de gastéropodes, de brachiopodes (…) qui permettent d’attribuer un âge d’environ 450 millions d’années à cette ancienne vase marine qui s’étend vers le sud-est jusqu’au-delà du pont ferroviaire de Cambré (Saint-Senoux).
Retourner à Pléchâtel et partir au sud vers Saint-Malo-de-Phily par la D 77.
La route rejoint la Vilaine et la voie ferrée qu’elle longe, franchit en passage à niveau. Juste après le pont sur la Vilaine prendre à droite la petite route qui remonte le fleuve.
Après quelques centaines de mètres on rejoint le site d’une ancienne carrière.
Arrêt n°3 – Carrière de Clos-Pointu (Saint-Malo-de-Phily)
Cette carrière, fermée depuis 2010, est implantée sur la formation ordovicienne du Grès armoricain dont on voit très bien la stratification, ce millefeuille des temps géologiques (fig.21 à 23).
Fig.21 – Structure anticlinale dans la carrière de Clos-Pointu. |
Fig.22 – La carrière au pied de l’église de Saint-Malo-de-Phily. |
Fig.23 – Le grès armoricain stratifié. |
On peut toujours y observer une structure anticlinale qui avait fait l’objet d’une des cartes postales éditées par la Sgmb en 1920 (fig.27).
Fig.24 – Un sentier sur butte permet l’observation. |
Fig.25 – Coulée d’eau ferrugineuse sur le front de taille. |
Fig.26 – Devant la carrière de Clos-Pointu. |
![]() Fig.27 – Dans la carrière, au début du 20ème siècle. |
Ce pan de falaise spectaculaire s’est rapidement révélé être un site de nidification du faucon pèlerin, ce qui ajoute à sa valeur.
Fig.28 – Plan du circuit d’interprétation. |
Repartir en direction de Saint-Malo-de-Phily où l’on rejoint l’église. Partir en face par la rue Emile-Bernard puis la rue du Rocher pour atteindre l’Espace culturel.
Arrêt n°4 – Espace culturel, rue du Rocher (Saint-Malo-de-Phily)
Sur sa butte, au-dessus de la Vilaine, Saint-Malo-de-Phily vaut pour son église de style néo-roman édifiée au début du 20ème siècle, son panorama vers le sud et ses rochers. Ceux-ci, accessibles au pied de l’espace culturel où ils sont surmontés d’une vierge (fig.29 à 31), et sur le petit parking an contrebas, laissent majoritairement apparaître un conglomérat constitué d’éléments de taille supérieure à quelques millimètres réunis par une matrice peu abondante (fig.32).
Fig.29 – Le poudingue de Gourin au pied de l’Espace culturel. |
Fig.30 – Devant le poudingue de Gourin. |
Fig.31 – L’affleurement de la Vierge. |
Fig.32 – Le poudingue de Gourin. |
Les éléments étant fortement arrondis il convient de le nommer « poudingue ».
Celui de Saint-Malo-de-Phily que l’on retrouve de l’autre côté de la Vilaine au Rocher d’Uzel (Pléchâtel), est connu régionalement sous le nom de Poudingue de Gourin (localité du Morbihan où il a été défini). Les galets y sont presque exclusivement du quartz blanc laiteux dont la taille atteint difficilement 10 centimètres, accompagné de rares éléments de quartz noir (improprement appelé phtanite) et de quelques fragments gréseux. Ceci confère à la roche un aspect de dragées englobées par une matrice argileuse ou sableuse plus ou moins identifiable. Un litage avec variation de la granulométrie est visible ce qui permet d’identifier une stratification qui est ici subverticale.
Très présent dans le sud-ouest du département, autour de Pipriac, ce poudingue constitue en fait des lentilles plus ou moins volumineuses au sein des sédiments marins gréseux et silteux du Briovérien (Protérozoïque supérieur à Cambrien) de Bretagne centrale.
Son mode de mise en place n’est pas clairement établi, mais il est probable qu’il corresponde au remplissage de chenaux fluviatiles ou fluvio-deltaïques.
Il passe insensiblement à des grès verdâtres dans lesquels sont encore dispersées quelques dragées de quartz dont le nombre va en diminuant comme on le voit sur le parking en contrebas de la rue et sur le parement nord de l’affleurement qui supporte la statue mariale.
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Fig.34 – Affleurement de grès et de microconglomérats briovériens.
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Clichés et texte: Jean Plaine
Documents utiles
Feuilles topographiques Ign 1/25 000ème : 1219 Ouest Bruz et 1220 Ouest Bain-de-Bretagne.
Feuilles géologiques BRGM 1/50 000ème : Janzé (n°353) et Bain-de-Bretagne (n°388).
Lardeux H. (coordinateur) 1996. Guide géologique de la Bretagne, Masson éditeurs.
Éléments bibliographiques
PLAINE J. & JÉGOUZO P. 2012- Géotourisme en Ille-et-Vilaine, petit guide géologique pour tous, Biotope, Mèze (collection Géotourisme), 96p.
TRAUTMANN F. 1994- Carte géol. France (1/50 000), feuille Janzé (353), Orléans, BRGM. Notice explicative par Trautman F. et al., (1994), 74p.
DADET P. et al. 1987- Carte géol. France (1/50 000), feuille Bain-de-Bretagne (388), Orléans, BRGM. Notice explicative par Herrouin Y. et al., (1989), 82p.
LE CORRE C. 1978- Approche quantitative des processus synschisteux. L’exemple du segment hercynien de Bretagne centrale. Thèse, Rennes, 381p.
PHILIPPOT A. 1950- Les Graptolites du Massif armoricain. Etude stratigraphique et paléontologique. Thèse, Rennes et Mém.Soc.géol.minéral.Bretagne, t.VIII, 295p.
GLÉMAREC L. 1929- Etude de la faune graptolitique des ampélites de Poligné (I.-et-V.). Bull.Soc.géol.minéral.Bretagne, vol.10, p.87-153.
Plussulien (22)
Samedi 1er octobre, R.V. à 10h au musée archéologique de Plussulien (22).
Programme:
. matin:
- Visite du musée archéologique de Plussulien (22)
- Site de Quelfénec: les différents faciès de dolérite (ex. métadolérite)
sous la direction de Charles-Tanguy le Roux (i), en présence de Martial Caroff (ii)
(i) ancien conservateur général du Patrimoine, a découvert et fouillé ce site (cf Bulletin n°9)
(ii) MC en pétrologie magmatique à l'UBO (Brest)
. après midi:
"géologie des alentours"
- Les volcanites autour du barrage de Bosméléac (communes d'Allineuc et de Merléac)
- La butte St Michel (commune de St Martin-des-Prés)
excursion guidée par P. Jégouzo et M.J. Le Garrec (SGMB)
NB: Prévoir le pique-nique.
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Quelfénec et quelques sites proches
Le musée archéologique |
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Clichés: F. Redois & J. Plaine
Laval (53)
Compte-rendu de la sortie du 25 juin 2011 dans le bassin de Laval
Voyage en Mayenne, dans le Carbonifère du bassin de Laval
Sortie animée par Jean Plaine, Université de Rennes 1
et Dominique Guérin, Groupe spéléologique de Rennes
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Cette sortie, pour laquelle étaient présentes une vingtaine de personnes, se voulait un peu en dehors des pratiques habituelles de la Sgmb puisqu’elle était aussi destinée à nos amis spéléologues de la Mayenne, combinant ainsi la découverte du monde de la surface avec celle du monde souterrain.
Présentation
Le Synclinorium de Laval correspond à la partie orientale élargie d'une vaste unité sédimentaire paléozoïque qui parcourt le centre-nord du Massif armoricain, le Synclinorium médian armoricain (fig.1).
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Fig.1 – Situation du Synclinorium de Laval dans le Massif armoricain.
Même si la sédimentation s'y étale du Cambrien au Carbonifère supérieur, cette unité est surtout remarquable par le développement des formations carbonifères qui y occupent une vaste surface et qui constituent plus précisément le Bassin de Laval. Son architecture actuelle est issue de l'orogenèse varisque, il y a environ 305 millions d'années.
Les formations carbonifères y offrent une lithologie variée dans laquelle le fond sédimentaire détritique (conglomérats, grès, siltites) laisse localement place à de puissantes formations volcaniques, à d'importantes formations carbonatées ou encore à des passées charbonneuses (fig.2).
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Fig.2 – Extension des formations carbonifères dans le bassin de Laval.
Ce bassin appartient à la famille des grands bassins mississipiens d'Europe occidentale. Installé à la limite entre deux blocs rigides, au Nord le "bloc mancellien" structuré au cadomien et au Sud le "bloc de Rennes" influencé par la tectonique varisque, son remplissage est initié en régime distensif dès le Dévonien supérieur et sera constamment contrôlé au cours du Carbonifère par le fonctionnement du Cisaillement Nord-Armoricain.
La série sédimentaire carbonifère, dont la séquence de dépôt s'étage du Tournaisien basal au Serpukhovien (Namurien), donc de 360 à 320 Ma environ, comprend 4 formations principales qui sont, de la base au sommet (fig.3) :
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Fig.3 – Colonnes lithostratigraphiques des formations carbonifères du bassin de Laval.
- la Formation de l'Huisserie, détritique terrigène, avec passées de houille et corps volcaniques fréquents;
- la Formation de Changé, détritique, localisée dans la partie sud du bassin;
- la Formation des Calcaires de Laval et de Sablé. Les calcaires de Laval surmontent la Formation de Changé et sont donc localisés au sud, alors que les calcaires de Sablé surmontent directement la Formation de l'Huisserie.
- la Formation des Schistes de Laval qui marque le retour à une sédimentation détritique terrigène.
Cette succession admet de fréquentes variations latérales de faciès avec, notamment, une opposition, aujourd’hui remise en cause, entre 2 domaines disposés de part et d'autre d'une "ligne" qui passe par le Nord de Forcé, La Cropte, le Sud de Saint-Loup-du-Dorat et qui se déduit de la répartition des calcaires de Sablé et de Laval.
En fait, l'histoire de ce bassin est polyphasée, comportant 3 séquences qui sont:
- une séquence basale terrigène qui correspond au stade d'initiation et d'ouverture du bassin ;
- une séquence intermédiaire carbonatée qui correspond à l'installation d'une plate-forme carbonatée ;
- une séquence sommitale détritique qui correspond à un fonctionnement en cisaillement entre les diverses branches du Cisaillement Nord-Armoricain (bassin en "pull-apart").
Les carbonates (fig.4)
Les différents faciès du Calcaire de Laval correspondent à l'installation, au développement et à l'extinction de constructions récifales (biohermes) qualifiées de récifs waulsortiens (de Waulsort, ville de Belgique, dans la province de Namur). On peut considérer que les calcaires de Laval sont des mud-mounds ("montagnes de boue") de type waulsortien avec faciès latéraux stratifiés associés (biomicrites crinoïdiques). Ils constituent en fait des lentilles récifales environnées de faciès périrécifaux isolées au sein de sédiments terrigènes.
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Fig.4 – Esquisse paléogéographique du bassin de Laval au Viséen inférieur et au Viséen moyen (les taches correspondent aux associations de coraux) (d’après Vuillemin, 1990).
Le Calcaire de Sablé, surtout constitué de faciès bioclastiques, montre fréquemment des parties oolithiques qui sont courantes sur les plates-formes carbonatées des Bahamas actuelles. Dans l'ensemble, les associations coralliennes sont caractéristiques de milieux de plate-forme interne peu profonde.
Le parcours et les sites (fig.5)
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Fig.5 – Tracé du parcours de Changé à Saulges avec position des différents arrêts.
L’aventure débute à Changé sur le parking à proximité de l’église.
À pied, partir à l’ouest en direction de Saint-Berthevin (D 561) pour, après une centaine de mètres et juste avant un garage automobile, s’engager sur la gauche dans un chemin balisé.
1- Chemin de la Châtaigneraie (Changé)
Ce chemin est encaissé dans les grès calcareux et siltites ocres, fossilifères, à pendage sud, antérieurement connus sous le nom de « Grauwackes à Paléchinides », aujourd’hui rangés dans la Formation de Changé dont ils sont la localité-type (fig.6&7).
Sur cet affleurement, les niveaux fossilifères (niveaux d’accumulation) sont riches en moules internes et externes de brachiopodes, tétracoralliaires, paléchininides, trilobites. Sur une épaisseur de près de 6 mètres existent des nodules de sidérite (carbonate de fer) dont les plus volumineux dépassent 30 centimètres.
Fig.6 – Chemin de la Châtaigneraie, la « grauwacke » |
Fig.7 – Chemin de la Châtaigneraie, schistosité dans la « grauwacke » |
Revenir sur la route, reprendre la direction de Changé et au niveau du calvaire aller à droite sur la route (dangereuse !) qui mène à Laval. Poursuivre sur plusieurs centaines de mètres avant de rejoindre une petite zone de stationnement. Là, monter sur la droite par une petit sentier qui permet de rejoindre la carrière depuis plusieurs années laissée à l‘abandon.
2- Carrière de la Coudre (Changé)
Aménagée en paroi d'escalade, cette ancienne carrière expose les Calcaires de Laval. On y voit des bancs peu épais de calcaire bleu-noir massif à crinoïdes et bryozoaires séparés par des interbancs silteux. L'ensemble, fortement redressé (belle surface structurale) (fig.8 à 10), est intensément schistosé (fig.11). Des filons de calcite sont reconnaissables sur le front de taille perpendiculaire aux bancs (fig.12).
Fig.8- Carrière de la Coudre, front de taille. |
Fig.9- Carrière de la Coudre, surface de banc (vue rapprochée). |
Fig.10 – Carrière de la Coudre, surface de banc |
Fig.11- Carrière de la Coudre, relation schistosité/stratification. |
Fig.12 – Carrière de la Coudre, calcite |
Revenir à Changé par le parc qui borde la Mayenne, prendre le véhicule pour, au nord-ouest de Changé, sur la route menant à La Baconnière (D 254) rejoindre l’ancienne carrière de Saint-Roch aujourd’hui dédiée aux sports cyclistes.
3- Carrière Saint-Roch (Changé)
Fig.13- Carrière Saint-Roch, front de taille occidental. |
Encore accessibles malgré une reconversion du site en zone d'activité sportive (fig.13), les constituants de la Formation des Calcaires de Sablé sont des calcaires bioclastiques de teinte gris-bleu à entroques, des calcaires argileux à grain très fin et des niveaux à spicules de spongiaires silicifiés (spongolithes). Malgré les complications d’ordre tectonique lisibles dans une forte schistosité (fig.14), des failles et quelques plis (fig.15à17), il est encore possible de reconnaître ces sédiments ; les calcaires bioclastiques sont soit à grain variable avec de grands bioclastes (bryozoaires, brachiopodes, radioles d’oursin [Echinus] et des foraminifères, soit à grain fin, bien classés, à ciment microcristallin et à abondants foraminifères. Les calcaires argileux à grain très fin sont micritiques, renfermant une importante charge détritique de quartz et minéraux phylliteux. Les spongolithes sont presque entièrement constituées de spicules de spongiaires silicifiés noyés dans une matrice argileuse riche en matière organique.
Fig.14 – Carrière Saint-Roch, schistosité dans les carbonates. |
Fig.15 – Carbonates. |
Fig.16 – Devant les plis, Front de taille oriental. |
Fig.17 – Carrière Saint-Roch, zone de chevauchement. |
Le sommet de la succession carbonatée y est constitué de nombreux horizons de spongolithes dont certains accueillent des éléments d’origine éruptive et d’un banc calcaire à grosses tiges d’encrines.
Revenir à Changé pour prendre au sud et en bordure de la rivière Mayenne, la D 104 vers Laval. Au premier giratoire (rond-point de Pritz) prendre à droite en direction de Rennes (D 900). Poursuivre, toujours en direction de Rennes sur plusieurs kilomètres pour atteindre en bas de descente un giratoire qui oriente, à droite, vers Le Genest-Saint-Isle. Tourner à gauche vers Saint-Berthevin (non indiqué !).
4- Zone chaufournière des Guélinières (Saint-Berthevin)
La route atteint rapidement le village de la Guélinière dont la renommée a été assurée par l’activité marbrière, le fameux « marbre rose de Saint-Berthevin », du XVII au XIXe siècles, et l’industrie de la chaux au XIXe et début XXe siècles. De ces époques subsistent de nombreuses carrières plus ou moins noyées ainsi que des batteries de fours dont l’une d’entre elles à la Brosse est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
Des pupitres explicatifs y balisent un circuit pédestre de découverte.
Continuer vers le centre ville de Saint-Berthevin.
Une fois rejointe la rue principale de Saint-Berthevin, au giratoire, prendre à gauche pour remonter cette rue principale.
Juste après le dernier bâtiment de cette rue, prendre à droite vers la base de loisirs de Coupeau (panneau indicateur de direction)
Passer devant l’église et poursuivre vers la base de loisirs pour rejoindre le parking signalé juste à son entrée.
5- Le Rocher Coupeau (Saint-Berthevin)
Fig.18- Le Rocher Coupeau vu depuis la zone de stationnement. |
Ce rocher (fig.18) dédié à l'escalade montre un remarquable conglomérat de la Formation de l'Huisserie, aux éléments très hétérométriques, certains blocs atteignant 20 centimètres, dispersés dans une matrice gréseuse (fig.19 à 21). La nature de ces fragments lithiques consiste en volcanites acides et en grès-quartzites. Il s'agit sans doute d'une "coulée de débris" qui traduit l'instabilité du bassin dans sa phase d'ouverture (fig.22).
Fig.19- Vue rapprochée du Rocher Coupeau. |
Fig.20- Le Rocher Coupeau ; caractère hétérométrique du sédiment. |
Fig.21- Le Rocher Coupeau ; caractère hétérométrique du sédiment. |
Fig.22 – Devant le Rocher Coupeau. |
Revenir au cœur de Saint-Berthevin et prendre à droite vers Laval. A la sortie de Saint-Berthevin, au giratoire après l’ancienne voie ferrée, aller à droite vers L’Huisserie que l’on rejoint après environ 5 kilomètres.
Poursuivre vers Entrammes (attention, nombreux giratoires).
Descendre vers la Mayenne pour rejoindre, en bas de descente et avant le pont, le parking de l’écluse de Port-Ringeard situé sur la droite de la route.
6- La Véronnière (L'Huisserie)
Ce site illustre la "phase bretonne" responsable, ici, de la discordance cartographique des premiers termes carbonifères sur les formations siluriennes qui est perceptible dans la descente vers la Mayenne. Au-dessus des sédiments siluriens qui affleurent mal dans les fossés on y observe plus largement les volcanites acides basales (la blaviérite) et des schistes noirs tandis qu'au Nord et à l'Est se dessine le massif volcanique d'Entrammes.
Franchir la Mayenne, en direction d’Entrammes. Contourner le centre de cette cités par la gauche et, au giratoire suivant, prendre légèrement sur la droite vers Parné-sur-Roc.
7- Parné-sur-Roc
Cette petite cité au patrimoine architectural remarquable est établi sur les Calcaires de Laval qui comme partout dans le bassin de Laval, ont été exploités au XIXe siècle pour l’industrie de la chaux, dont on trouve la marque dans une batterie de fours (1818-1880) (fig.23) accompagnés d’un bel ensemble de maisons ouvrières (classées) (fig.24) que l’on ne manquera pas d’admirer à l’entrée même du village.
Fig.23- Parné/Roc- Les fours à chaux (1818). |
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Fig.25- Parné/Roc- La Maison Frippier (1868). |
Fig.26- Parné/Roc- La Maison Faucheux (1878) ; alliage de la brique et du tuffeau. |
Traverser Parné-sur-Roc par la rue principale et à la sortie du village prendre la rue à gauche vers le cimetière auprès duquel on stationnera.
Au sud du cimetière, rejoindre à pied par la rue la Maison Frippier.
En complément au patrimoine chaufournier, Parné-sur-Roc offre de belles constructions allant du XIè siècle (l’église) au XIXè siècle dont la maison Frippier (1868) est un témoignage spectaculaire (fig.25 & 26) et abouti de l'industrie mayennaise de la Poterie héritée du Moyen Âge et qui fournissait encore des matériaux de construction au XIXème siècle. Les principaux ateliers étaient près de Laval (Thévalles, Saint-Pierre-le-Potier) et surtout aux Agets à Saint-Brice dans le sud ouest du département.
Revenir vers la rue principale de Parné-sur-Roc.
Prendre à gauche pour rejoindre la route Laval-La Flèche
Au giratoire, ne pas prendre la grand’route, mais la deuxième route à droite en direction de Louvigné (D 103).
Après un peu plus de 1,5 km prendre à droite la D130 vers Bazougers puis poursuivre par la D130 vers La Bazouge-de-Chemeré.
À La Bazouge-de-Chemeré, poursuivre par la D 130 vers Chémeré-le-Roi.
À la sortie de La Bazouge-de-Chemeré, observez à gauche l’étang et les blocs de calcaire qui affleurent. Un peu plus loin sur la gauche, anciennes carrières de calcaire avec four à chaux.
À Chémeré-le-Roi poursuivre par la D 130 vers Saulges que l’on rejoint.
Dans Saulges prendre la direction de Thorigné-en-Charnie et suivre le fléchage vers le site des Grottes et du Canyon.
8- Le Canyon de Saulges (Saulges, Saint-Pierre-sur-Erve, Thorigné-en-Charnie)
L'Erve coule au travers de la Formation du Calcaire de Sablé y dessinant une gorge à l'allure de "canyon" (fig.27).
Fig.27 – Carte géologique des environs de Saulges. |
Ce creusement est à l'origine du développement d'un karst (fig.28), de dimension réduite certes, mais dont certaines cavités ont servi d'abris aux hommes préhistoriques (fig.29 & 30). De part et d'autre de la vallée, les parois rocheuses propres aux activités d’escalade (fig.31 & 32) montrent le calcaire de teinte grisâtre, en bancs massifs séparés par quelques rares interbancs silteux (fig.33). La stratification est moyennement inclinée (35 à 45°). Entre les bancs et au sein même de ces bancs se développent des joints de pression-dissolution (stylolithes) (fig.34).
Fig.28- Canyon de Saulges - Pupitre explicatif de la formation du réseau karstique. |
Fig.30- Canyon de Saulges- Le double porche d’entrée de la grotte de la Chèvre. |
Fig.29- Canyon de Saulges- Pupitre explicatif de l’histoire de la grotte de la Chèvre. |
Fig.31- Canyon de Saulges – Falaise dans les calcaires. |
Fig.32- Canyon de Saulges – Paroi verticale dans les calcaires. |
Fig.33- Canyon de Saulges- Bancs calcaires. |
La masse rocheuse est découpée par de nombreuses fractures proches de la verticale qui facilitent le développement karstique dont on voit l'expression sur le "plateau" par des lapiez (fig.35) sur lesquels s'est installée une flore originale pour le Massif armoricain.
Fig.34- Canyon de Saulges- Les joints stylolithiques. |
Fig.35 - Sur le plateau, géomorphologie de lapiez. |
Fig.36 – Végétation (Genévrier) sur le lapiez. |
Sous la direction experte de Dominique Guérin les spéléologues chevronnés et les membres de la Sgmb les plus téméraires seront conduits sous terre alors que les moins entreprenants de notre groupe visiteront le canyon en surface.
Cette dernière visite viendra couronner une journée au cours de laquelle les spéléologues en ont appris sur la géologie des lieux qu’ils fréquentent habituellement alors que quelques membres de la Sgmb ont pu faire un peu de spéléologie.
Texte et clichés: Jean Plaine
Eléments pratiques
Feuilles topographiques Ign 1/25 000ème : 1418 Est Laval, 1419 Est Cossé-le-Vivien, 1519 Ouest Meslay-du-Maine, 1519 Est Vaiges.
Feuilles géologiques BRGM 1/50 000ème : Laval (n°319), Cossé-le-Vivien (n°355), Meslay-du-Maine (n°356).
Lardeux H. (coordinateur) 1996. Guide géologique de la Bretagne, Masson éditeurs.
Eléments bibliographiques
TREGUIER J. (coord.) 2010- Histoire géologique de la Mayenne, éd. Errance, 359p.
LE GALL J. et al. 2011- Carte géol. France (1/50 000), feuille Laval (319), Orléans, BRGM. Notice explicative par Le Gall J. et al., (2011), 261p.
PIGEAUD R., HINGUANT S. 2007- « Les grottes ornées de la Mayenne. », Les Dossiers de l’Archéologie, n°324, « Grottes ornées de France », p.46-53.
HINGUANT S., PIGEAUD R. 2006- « Les grottes de Saulges : nouvelles recherches, nouvelles découvertes. » La Province de Maine, n°79, 3ème trimestre, Juillet-Septembre, p.211_229.
MANIGAULT B. et al. 1987- Carte géol.. France (1/50 000), feuille Meslay-du-Maine (356), Orléans, BRGM. Notice explicative Par Ménillet F. et al., (1988), 79p.
PLAINE J. 1976- La bordure sud du synclinorium paléozoïque de Laval (Massif armoricain).Stratigraphie-volcanisme-structure. Thèse 3ème cycle, univ. Rennes, 212p.
PELHÂTE A. 1971- Le Carbonifère inférieur du bassin de Laval. Massif armoricain. Thèse d’Etat, Rennes, 1967. Mém. Soc. géol. minéral. Bretagne, 15, 315p.
VUILLEMIN C. 1990- Les Tétracoralliaires (Rugosa) du carbonifère inférieur du Massif armoricain (France). Cahiers du CNRS, 226p.
Batz s/Mer (44)
Sortie Batz s:Mer, Loire Atlantique
Chapelle Notre Dame du Murier, XVème siècle. |
Le port Saint Michel. |
La croix des Douleurs, IXème siècle, rue Général de Gaulle. |
Le menhir de Pierre Longue ou menhir Saint Michel dominant le port. |
Discussion autour du menhir de Pierre Longue. |
Explications devant le menhir de Pierre Longue. |
Le port Saint Michel. |
Devant le menhir de Pierre Longue. |
L'érosion a mis en évidence l'architecture intime du granite en feuillets horizontaux à l'aspect de vagues. |
Architecture intime du granite en feuillets horizontaux. |
Alignement de trous pour l'emplacement des coins de bois ou de fer utilisés pour la fente des blocs de granite. |
Alignement de trous pour l'emplacement des coins de bois ou de fer utilisés pour la fente des blocs de granite. |
Observations en haut de falaise de signes religieux gravés dans le granite. |
Chapelle de notre Dame du murier, XVème sicèles. |
Plouézec (22)
Compte-rendu de la sortie du 8 Mars 2008
Le volcanisme du bassin ordovicien de Plouézec-Plourivo
(Trégor, Côtes-d’Armor)
Sortie animée par Martial Caroff, Université de Bretagne occidentale (UBO)
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Près de 30 personnes étaient au rendez-vous de Plouézec pour, par un temps incertain, partir à la découverte d’un ensemble volcanique peu connu.
En Trégor oriental, à proximité de Paimpol, le bassin de Plouézec-Plourivo, classiquement désigné sous le nom de PPB - Plouézec-Plourivo Basin -, occupe une surface d’environ 160 km2 (20 x 8 km). Il s’est formé à l’Ordovicien inférieur, en même temps que le petit bassin associé de Bréhec au sud-est (fig.1).
Les séries de remplissage y sont constituées de formations gréseuses et argileuses connues, en raison de leur coloration particulière, sous le nom de « Séries rouges ». Elles n’ont que très peu été affectées par les événements varisques ce qui en facilite l’interprétation.
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Fig.1 – Carte géologique simplifiée du Bassin de Plouézec-Plourivo.
De la base au sommet se succèdent la Formation de Port-Lazo (base conglomératique et bréchique puis grès et pélites), la Formation de la Roche-Jagu (grès feldspathiques), la Formation de Toul-Lan (grès et microconglomérats) et enfin la Formation de Plourivo (pélites et grès).
Ces « Séries rouges » paléozoïques, datées à 472 ± 5 Ma (Auvray et al., 1980), reposent sur des formations briovériennes dont un exemple est visible près de Kerarzic.
Ces niveaux sédimentaires se sont déposés dans un hémi-graben limité au nord par une faille bordière orientée Est-Ouest, probablement en contexte de marge passive subsidente (Ballard, 1989). Le remplissage y fut alternativement d’origine marine et continentale (lacustre).
De nombreux faciès volcaniques sont observables dans les formations de Port-Lazo (Bréhec) et surtout de la Roche-Jagu (PPB). Il s’agit de basaltes, de trachy-basaltes et de trachy-andésites basaltiques enrichis en Terres Rares (REE) qui présentent une affinité de tholéiites continentales.
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Fig.2 – Situation de la région visitée.
Le secteur littoral au nord-est du bassin, entre Boulgueff et l’ouest de Kerarzic (fig.2) est favorable à l’observation des relations entre le volcanisme et son environnement de mise en place.
Il y a des évidences de terrain en faveur de la contemporanéité des quatre événements suivants : sédimentation, volcanisme, tectonique et hydrothermalisme.
La contemporanéité entre volcanisme et sédimentation se traduit par la présence de nombreux faciès pépéritiques. Les pépérites sont des produits volcaniques générés par mélange et (ou) fragmentation cassante de magma en contact avec un sédiment gorgé d’eau.
Deux principaux groupes de pépérites sont couramment distingués selon leur origine soit par mélange ductile entre magma et sédiments gorgés d’eau soit par fragmentation cassante (bréchification) et (ou) explosions hydromagmatiques.
Les pépérites du PPB ne résultent pas de processus explosifs. Même si certains faciès témoignent d’un régime cassant (brèches anguleuses), la plupart des pépérites sont associées à la mise en place d’intrusions et de coulées. Il a été montré qu’une contamination géochimique (siliceuse) a accompagné leur formation (Galerne et al., 2006).
Le but de cette sortie est d’approcher un site remarquable à faciès pépéritiques reconnus dans un hémi-graben ordovicien, le bassin de Plouézec-Plourivo (PPB) au nord du Massif armoricain.
Le premier affleurement observé se situe un peu au nord de Beauport en bordure de la D 786 reliant Plouézec à Paimpol.
Les arrêts
Arrêt n°1- carrière nord de Beauport, dite de Kérity (Paimpol) (fig.3)
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Fig.3 – Situation de l’arrêt n°1 au sud de Paimpol.
Cette ancienne carrière offre aujourd’hui un front de taille de mauvaise qualité qui laisse apparaître une roche de teinte sombre, brune, parfois rougeâtre ou violacée (fig.4&5). Il s’agit d’une brèche volcanique dont l’épaisseur peut atteindre 50 mètres et dont on reconnaît essentiellement l’existence à l’ouest de Kerarzic. Contrastant avec les brèches autoclastiques qui seront observées dans l’arrêt n°2, les clastes volcaniques y sont polygéniques, montrant des lithologies et des textures variées. La plupart d’entre eux sont des clastes en forme de blocs, aux contours anguleux, en forme d’échardes. Un grand nombre renferme de grands phénocristaux de plagioclase, quelques uns sont aphyriques. Les textures vont de microlitique à cryptocristalline. Les clastes en forme de blocs sont cimentés par une matrice complexe de matériel sédimentaire mélangé et de verre volcanique juvénile.
Localement, la part magmatique de la matrice est en contact direct avec les clastes en forme de blocs, cependant qu’elle peut aussi former des amas arrondis ou amiboïdes enveloppés par le sédiment.
Ces dernières structures sont regardées comme des clastes fluidaux. De tels aspects dénotent des processus de mélange magma/sédiment en régime plastique.
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À pied, partir à droite par les passerelles aménagées (fig.8) en bordure du ruisseau en direction de la pointe de Kerarzic.
Une fois dépassée la zone marécageuse au nord de laquelle apparaissent les ruines majestueuses de l’Abbaye de Beauport (fig.9),
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Fig.9 – L’Abbaye de Beauport.
on atteint sur la droite une remarquable falaise de sédiments quaternaires caractéristique du nord de la Bretagne constituée de coulées de blocs et de limons lœssiques disposés en couches dont on distingue bien le pendage (fig.10&11). Ces formations récentes s’appuient à l’est sur les roches volcaniques du PPB.
Fig.10 – Falaise de sédiments quaternaires avec pendage bien visible. |
Fig.11 – Falaise de limons lœssiques quaternaires. |
Arrêt n°2- Ouest de Kerarzic (Paimpol) (fig.12)
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Fig.12 – Carte géologique simplifiée du secteur ouest de Boulgueff.
Très rapidement on atteint à nouveau des roches volcaniques que l’on va trouver en falaise jusqu’à Kerarzic. Situées stratigraphiquement sous les brèches précédentes deux coulées de lave superposées séparées par un niveau d’argilites épais de 20 centimètres sont identifiées (fig.15&16). La coulée supérieure, exposée sur une épaisseur d’environ 6 mètres est caractérisée par une brèche basale rouge épaisse de 50 centimètres à 1 mètre (fig.17).
La brèche, autoclastique, est faite de clastes de blocs scoriacées et arrondis, dont la taille inférieure à 1 centimètre croit vers le cœur de la coulée, cimentés par une matrice rouge à grain fin (fig.18). Localement, la matrice sédimentaire soit envahit les clastes pour faire une marmelade, soit donne une morphologie amiboïde ou sub-fluidale. Ces dernières structures démontrent clairement un processus de mélange lave/sédiment.
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Fig.15 – Les brèches autoclastiques à la base d’une coulée de lave. |
Fig.16 – Lit de sédiments rouges plus ou moins fluidisés entre deux coulées de laves. |
Fig.17 – Brèche de base de coulée magmatique. |
Fig.18 – Echantillon scié de la brèche de base de coulée. |
Retourner vers les véhicules et prendre la direction de Plouézec par la D 786. Après environ 3 kilomètres, à Kermanac’h, prendre à gauche la route qui part au nord en direction du moulin de Craca. Après 350 mètres, descendre à gauche le vallon de Boulgueff qui mène à la côte.
Arrêt n°3- Boulgueff (Paimpol) (fig.12)
À la descente de Boulgueff, sur l’estran, s’opposent deux zones différentes séparées par une structure faillée mettant en contact la Formation de Port-Lazo à la couleur rouge caractéristique qui affleure largement sur la droite lorsqu’on arrive sur site et la Formation de la Roche-Jagu, à gauche, que l’on va explorer.
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Les produits volcaniques sont très diversifiés, ce qui rend leur approche parfois difficile, consistant en sills (filons-couche), dykes, coulées de lave, corps en forme de pillow-lavas (et cela n’en est pas !), tufs cinéritiques et brèches.
Cette zone faillée verticale et d’orientation nord-est – sud-ouest, large d’environ 50 mètres est remarquable. Elle est remplie de roches trachy-basaltiques sous la forme de blocs arrondis de 2 à 3 mètres de diamètre, dans une matrice de produits hydrothermaux altérés (surtout quartz et oxydes de fer) (fig.21&22). Elle représente vraisemblablement le principal trajet du flot de magma au travers de la croûte amincie ordovicienne.
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Il en va d’ailleurs de même pour les autres failles figurées sur la figure 12 qui limitent plus à l’ouest différents blocs (notés 1 à 4) et qui ont permis l’alimentation du domaine en magma en même temps que se mettait en place la sédimentation.
Les caractéristiques spatiale et géométrique sont identiques à celles des « mégapépérites », un terme qui fait référence à des clastes magmatiques de grande taille, généralement siliceux, associés à des hyaloclastites.
Dans la falaise est accessible une coulée de lave trachy-basaltique, riche en phénocristaux de plagioclase qui s’étend très largement vers Kerarzic sur une longueur de plusieurs centaines de mètres. Elle expose une structure basale très complexe avec des globules de quelques centimètres de diamètre remplis de matériel à grain fin rouge riche en silice qui apparaissent à 2 centimètres au-dessus du contact basal festonné sédiment-lave.
De nombreuses coulées de lave sont visibles dans ce secteur, leur contact avec les sédiments est généralement fortement lobé et ondulé au long de leur étendue.
À quelques centimètres de ces surfaces irrégulières on peut observer des inclusions arrondies de lave dans le sédiment aussi bien que des inclusions arrondies de sédiment dans la lave. Les coulées montrent une partie basale fortement vésiculée, d’épaisseur inférieure à un mètre (fig.24à26) ; les plus grandes amygdales, souvent secondairement remplies de calcite ou de quartz, ont un diamètre jusqu’à 3-4 centimètres.
Fig.24 – Base de coulée lobée à nombreux vésicules. |
Fig.25 – Base de coulée lobée à nombreux vésicules. |
Fig.27 – Corps magmatique au sein des sédiments. |
Fig.28 – Manifestation hydrothermale dans les sédiments. |
Un peu plus loin, une légère avancée de la falaise au-dessus de l’estran permet d’identifier un site particulier où les sédiments de la Formation de la Roche-Jagu, organisés en couches silto-gréseuses superposées inclinées vers le sud, sont injectés par un sill de roche volcanique épais de plus de 2 mètres (fig.29), tandis que la lave est remontée sous forme diapirique à travers le niveau sus-jacent comme on peut le voir à la surface d’un banc bien dégagé (fig.30&31), transpercé par un certain nombre de corps magmatiques (une dizaine) allant jusqu’à un diamètre de 50 centimètres, riches en vésicules arrondis qui s’enracinent dans le sill sous-jacent.
Fig.29 – Sill dans les sédiments inclinés de la Roche-Jagu. |
Fig.30 – Intrusion diapirique dans les grès de la Roche-Jagu |
Fig.31 – Intrusions diapiriques dans les grès de la Roche-Jagu. |
Un peu plus haut dans la falaise s’observent des sédiments plus fins de la Formation de la Roche-Jagu avec de remarquables litages obliques (fig.32).
Fig.32 – Litages obliques dans les grès fins de la Roche-Jagu. |
Dans la partie orientale du bloc 2 deux sills basiques, exposés en continu sur plus de 15 mètres, le plus oriental étant enraciné dans une faille Nord-Est- Sud-Ouest, avec des brèches autoclastiques à leur bordure, montrent une zone de contact confuse, ondulée avec les siltstones (fig.34&35) .
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Fig.35 – Base de coulée magmatique avec mélange. |
Fig.36 – Bréchification à la base d’une coulée. |
Dans la zone faillée limitant le bloc 2 à l’ouest on retrouve des corps magmatiques globuleux dont la taille est inférieure à 1 mètre, englobés dans une argilite verte surmontés par des tufs cinéritiques épais de 60 centimètres et une coulée de lave montrant une zone inférieure vésiculée. Ces structures pourraient faire penser à des pillow-lavas mais il s’agit d’une brèche pépéritique avec des lobes en forme de coussins.
Arrêt n°4- Ouest de Boulgueff (Paimpol) (fig.12)
L’objet géologique probablement le plus remarquable du site est une coulée de lave trachy-basaltique prismée (fig.37à40) visible sur une centaine de mètres et contenant, à une dizaine de centimètres au-dessus du contact, un niveau horizontal d’origine sédimentaire qui correspond à une concentration de sédiment fluidisé remonté par un processus diapirique.
Fig.37 – Coulée trachy-basaltique prismée horizontale. |
Fig.38 – La coulée dans la falaise. |
Fig.39 – Prisme de la coulée trachy-basaltique. |
Fig.40 - Sur la coulée. |
Arrêt n°5- Kerarzic (Paimpol) (fig.12)
La pointe de Kerarzic expose les sédiments briovériens (cadomiens) disposés en bancs pluridécimétriques (fig.41) qui correspondent à des sédiments turbiditiques tels qu’on peut les observer plus largement à la pointe de Minard. Une faille (faille bordière) met ici en contact les roches du soubassement du bassin de Plouézec-Plourivo avec son remplissage volcanique et sédimentaire.
Fig.41 - Sédiments briovériens de la pointe de Kerarzic |
Par le sentier côtier (GR 34), en longeant la côte, rejoindre Boulgueff.
En conclusion,
L’activité volcanique dans le bassin de Plouézec-Plourivo est principalement limitée à une seule formation, la Formation de la Roche-Jagu.
Elle se manifeste, à l’Ordovicien inférieur, à la fois par des corps effusifs (coulées de lave) et des corps intrusifs (dykes et sills), de composition basique ou intermédiaire, qui sont alimentés par des conduits verticaux mis en place dans des failles transverses proches de l’orientation méridienne responsables de la segmentation structurale de l’hémi-graben est-ouest.
Les pépérites du bassin de Plouézec-Plourivo, originales en Bretagne, sont liées aux faciès volcaniques et intrusifs.
Elles montrent des traits peu habituels qui sont indicatifs de modes de mise en place spécifiques. Le fait que les contacts magma-sédiment sont soit lobés, soit anguleux, que les pépérites renferment des clastes fluidaux et/ou rocheux, ces deux observations impliquent que la formation des pépérites est un processus à plusieurs niveaux apparu sous des changements thermiques et des régimes mécaniques contrastés.
Les pépérites du bassin de Plouézec-Plourivo montrent beaucoup de caractéristiques comparables mais inverses (inversion de la plupart des caractères magmatiques et sédimentaires) par rapport à ce qui est généralement proposé. Par exemple, coulées de lave vésiculées au lieu de sédiment vésiculé, occurrence de clastes sédimentaires fluidaux et rocheux dans les pépérites au lieu de clastes volcaniques, contrastes de densité magma-sédiment avec diapirs sédimentaires dans les coulées de lave au lieu de diapirs volcaniques dans le sédiment.
La structure pépéritique la plus notable observée dans le bassin de Plouézec-Plourivo est probablement un niveau de sédiment fluidisé, s’étendant sur environ 100 mètres, parallèle et à 10 centimètres au-dessus de la base d’une coulée de lave. Il est interprété comme le résultat d’une accumulation de sédiment déshydraté fluidisé, monté de la base de la coulée au travers de petits diapirs.
Texte et Clichés: Jean Plaine
Documents utiles
Feuille topographique Ign 1/25 000ème TOP 25 : 0814 OT Paimpol.
Feuille géologique 1/50 000ème : Pontrieux-Étables-sur-Mer (n°204).
Lardeux H. (coordinateur) 1996. Guide géologique de la Bretagne (3ème éd.), Masson éditeurs.
Eléments bibliographiques
GALERNE C . et al. 2006- Magma-sediment mingling in an Ordovician rift basin : The Plouézec-Plourivo half-graben, Armorican Massif, France. Journ. Volcan. and geoth. Research,155, p.164-178.
ÉGAL E. et al. 1996- Notice explicative, Carte géol. France (1/50 000), feuille Pontrieux-Etables-sur-Mer. (204), BRGM, Orléans, 194p.
ÉGAL E. et al. 1996- Carte géol. France (1/50 000), feuille Pontrieux-Etables-sur-Mer (204), Orléans, BRGM. Notice explicative par ÉGAL E. et al., (1996), 194p.
SUIRE P. et al. 1991- Nouvelles données sur les Séries Rouges nord armoricaines : étude du bassin ordovicien de Bréhec, C.R.Acad.Sci. Paris, 312,221-727.
BALLARD J.-F. 1989- Approche géologique et mécanisme de décollement dans la croûte supérieure. Thèse 3e cycle,Rennes, 302p.
AUVRAY et al. 1980- Rb-Sr dating of the Plouézec volcanics, N Brittany : implications for the age of red beds (« séries rouges ») in the northern Armorican Massif. J.Geol.Soc.London, vol.137, p.207-210.
ROCHETTE-PINEL A. 1974- Contribution à l’étude des formations rouges azoïques du Nord de la Bretagne. Diplôme Et. sup. Sc. Nat. (mention Sc. Terre). Fac. Sciences, Rennes, 70p.
PINEL A. 1959- Contribution à l’étude de la formation rouge de Plouézec-Plourivo dans les falaises de la baie de Paimpol. Bull.Soc.géol.minéral.Bretagne,n.s.,fasc..1, p.21-36.
PINEL A. 1957- Sur le développement et l’intérêt du faciès conglomératique dans les gneiss supérieurs roses des formations de Plouézec (Côtes-du-Nord) (S1 de la carte géologique de Tréguier). C.R.Somm.Soc.géol.Fr., n°14.